lundi 15 décembre 2008

Premiers éléments sur le shoe-terrorist

Extrait du blog de Juan Cole (plus bas). Juan est un professeur d'histoire à l'université du Michigan. Il a démarré son blog Informed comments en 2002 et a été une des rares sources d'information sur l'Irak qui ne soit pas complètement alignée sur la ligne gouvernementale*. J'ai l'impression qu'il ne voyage pas beaucoup et qu'il obtient la plupart de ses informations sur internet. Sa maîtrise des langues locales (et son bon sens) lui donnent un avantage certain sur d'autres commentateurs, même sur ceux situés sur place.

Juan a donc des révélations sur le terroriste aux chaussures qui s'en est pris à Bush. Il aurait été victime de raids aériens américains. L'occasion en tout cas de nous rappeler que la plupart de nos perceptions sur l'Irak (ou leur absence) sont très fortement influencées par la propagande américaine et que si les américains arrivent finalement à imposer temporairement un nouvel ordre colonial desespérément anachronique, cela aura été au prix de centaines de milliers de morts et de millions de déplacés. Combien de Guernicas pour cette ratonnade new age?

* ça me fait toujours rire quand les médias US qualifient avec mépris la presse russe ou d'autres pays de "state controlled", se souviennent-ils du premier trimestre de 2003 et de toute la couverture médiatique sur l'Irak depuis??? Peuvent-ils expliquer pourquoi on prête à des gens insolvables aux US depuis 10 ans et que la presse se tait??? Despicable...

Extrait du blog de Juan Cole:

Shoe-Thrower had been Traumatized by US Aerial Bombings

Iraqi journalist Muntazir al-Zaidi, who threw the shoes at Bush in Baghdad, shouted "Killer of Iraqis, killer of children." while security guards piled on him.

McClatchy reports that he had covered the US bombing of Sadr City last spring, in support of PM Nuri al-Maliki's incursion into this stronghold of the Sadr Movement and its Mahdi Army, and is said to have been emotionally affected by the sight of that destruction.


Courtesy of Newsweek

Les Robber Robber Robber Barrons

Via Atrios:
(résumé en français: Au dernier moment, les concepteurs du bailout plan ont ajouté une provision à la loi limitant les rémunérations des dirigeants de banques ayant recours au plan: ces rémunérations ne seraient cappées que si les banques avaient recours à des enchères. Résultat: aucune somme n'a été allouée par le biais d'enchères, aucune rémunération n'est cappée. Trop fort.)
But at the last minute, the Bush administration insisted on a one-sentence change to the provision, congressional aides said. The change stipulated that the penalty would apply only to firms that received bailout funds by selling troubled assets to the government in an auction, which was the way the Treasury Department had said it planned to use the money.

Now, however, the small change looks more like a giant loophole, according to lawmakers and legal experts. In a reversal, the Bush administration has not used auctions for any of the $335 billion committed so far from the rescue package, nor does it plan to use them in the future. Lawmakers and legal experts say the change has effectively repealed the only enforcement mechanism in the law dealing with lavish pay for top executives.

Le ponzi scheme américain

La définition de wikipédia d'un "Ponzi scheme" colle parfaitement à ce qui est arrivé à Bernard Maddof ou plutôt à ses clients (moins clair dans le wikipédia français):
A Ponzi scheme is a fraudulent investment operation that involves paying abnormally high returns ("profits") to investors out of the money paid in by subsequent investors, rather than from net revenues generated by any real business.

Cela s'applique également aux Etats-Unis (même si le parallèle est moins immédiat): le pays a attiré de plus en plus de capitaux en offrant les meilleurs rendements du monde jusqu'à dépasser et aller bien au-delà de la quantité de capital que l'économie américaine était réellement capable de faire prospérer. L'afflux de capitaux a permis de faire croire longtemps à la réalité de ces rendements alors qu'il ne finançait pas des investissements qui auraient pu un jour payer mais seulement une consommation compulsive qui ne rapporterait jamais rien. Tout cela initié et démultiplié par un prestige américain à son zénith après l'effondrement du rival soviétique.

Le problème c'est que si Bernard Madoff ne semble pas prêt de remonter sur son cheval, les investisseurs continuent plus que jamais à placer leurs capitaux aux Etats-Unis. C'est un peu comme si les investisseurs de Madoff s'étaient rassemblés ce week-end et avaient décidé de réinvestir chez Maddof pour qu'on puisse prétendre six mois encore que tout allait très bien. A très court terme, tout le monde est plus à l'aise mais combien de temps cela peut-il réellement durer?

La bataille finale

L'Etat américain n'a jamais pu s'endetter à des taux aussi bas qu'en ce moment. Cette dépêche Bloomberg nous dit que les bons du trésor américain se sont appréciés de 12,4% en moyenne en 2008 ce qui serait la meilleure année depuis l'an 2000 (+13,4%). Il y a six mois, c'est le pétrole qui battait des records, aujourd'hui s'il y a des excès quelque part sur les marchés, un secteur dans lequel on voit des choses jamais vues, des niveaux jamais atteints, c'est bien dans le marché de la dette d'Etat américaine.

Dans le chaos financier absolu qui règne et devant les perspectives désastreuses de l'économie mondiale, les investisseurs affirment que l'Etat américain est encore, sur cette planète, le meilleur risque de crédit. On dit qu'en dernier ressort, la monnaie la plus forte est celle qui s'appuie sur l'armée la plus puissante et on peut se demander dans quelle mesure l'analyse financière ne se rapproche pas tous les jours un peu plus de ce degré zéro de sophistication (après avoir atteint des sommets de complexité il y a 18 mois, la chute est rude pour les jeunes financiers qui pensaient avoir fortune faite en quelques années grâce à leur maîtrise de deux ou trois formules mathématiques - et d'Excel).

Les marchés ont d'abord vécu dans l'illusion de la solvabilité des emprunteurs subprime et prime, puis dans l'illusion de la solvabilité des réhausseurs de crédit, puis dans l'illusion de la solvabilité des institutions financières américaines. Ils se cramponnent désormais à la seule illusion qu'il leur reste: la solvabilité de l'Etat américain. Comme les petits cochons finalement réfugiés dans la maison de brique (last AAA standing ), ils se disent que cette fois-ci, le loup (la réalité économique) sera découragé. J'ai peur que leur destin ne soit plus tragique que celui des petits cochons de l'histoire.

Les investisseurs semblent pour l'heure satisfaits de n'obtenir que le taux d'intérêt minimum payé par l'Etat (3% à 10 ans) alors qu'ils savent que l'argent prêté va servir à renflouer les particuliers ou les institutions auxquels ils n'auraient prêté qu'à des taux de 10 ou 15% en ligne directe (ou plus probablement pas du tout). Il est pourtant clair que l'addition d'un intermédiaire (l'Etat) et la conservation en aval de celui-ci d'un système d'allocation des crédits privés qui ne fonctionnaient déjà pas avant la crise (les fonds n'étaient pas dirigés vers des entités capables de rembourser) ne vont pas améliorer la situation. Après des années de dérives et en conservant les mêmes systèmes d'incitation, on voudrait nous faire croire que les acteurs faillis vont se mettre à remplir leur mission correctement?

Le choix de l'Etat de prendre sous son aile et de continuer à alimenter en liquidité tous les acteurs malades de l'économie américaine n'est pas un choix rationnel ni stratégique: c'est un pis aller pour repousser le plus longtemps possible le moment de vérité. Transférer la dette privée au bilan de l'Etat ne permettra pas une relance de l'économie, au contraire elle permet la survie d'acteurs malades et repousse leur réforme (les banques par exemple ou AIG continuent à distribuer des bonus). On postule que le citoyen américain, devenu insolvable avec sa casquette de consommateur, redeviendra solvable dès lors qu'il mettra sa casquette de contribuable. Autant essayer de vous envoler en tirant sur votre ceinture. Il ne s'agit que de gagner du temps.

Le gouvernement américain est donc devenu le dernier des réhausseurs de crédit. Je pense qu'il est appelé au même sort que ses prédecesseurs et qu'il fera finalement défaut. Alors le FMI renégociera-t-il la dette avec les américains? Ce serait pratique puisque les deux sont basés à Washington mais ce n'est pas le scénario que j'envisage. Je pensais plutôt à une politique inflationniste (tendance hyper), une forme de défaut light. Alors bien sûr, le thème du moment est la déflation (magnifié par la chute du pétrole) et il semble saugrenu à tout lecteur du FT/WSJ/The Economist d'envisager une forte inflation mais la réalité de la politique monétaire américaine est précisément celle-là: sacrifier le dollar sur l'autel de la dette.

La première bataille de la crise s'est terminée par un match nul: le consommateur et beaucoup d'autres acteurs économiques ont fait défaut mais l'Etat s'est porté garant de l'essentiel de leur dette. Le consommateur est donc revenu avec sa casquette de contribuable et l'investisseur a pour l'instant décidé de lui refaire confiance comme au premier jour (en réalité encore plus qu'au premier jour ce qui montre qu'on atteint la fin du "ponzi scheme" - de l'arnaque). Tout est donc en place pour la bataille finale: l'investisseur international contre le contribuable américain. Combien de temps faudra-t-il au premier pour identifier le subterfuge du changement de casquette? Combien de tax breaks et de plans de relance avant que le dernier ne comprenne qu'il doit vivre plus modestement et qu'il fasse les douloureux ajustements nécessaires? Je parie sur un dénouement en 2009 car les choses vont très vite désormais.