Ce post est une introduction (brouillonne) à la critique du film Capitalism: A love Story.
J'ai été invité à l'adresse email du blog à venir assister à une avant-première du dernier film de Michael Moore: "Capitalism: A Love Story". Le mail me donnait les liens vers les bande-annonces du film mais ne demandait pas explicitement de poster la bande-annonce. Je l'ai fait néanmoins en ajoutant la formule cryptique: "j'y reviendrai" mais en laissant de côté pour le lecteur le fait que je rentrais dans une espèce de transaction avec les promoteurs du film dans laquelle j'exposais le lecteur, "innocent bystander", à une publicité pour le film et qui me permettait de le voir un mois avant sa sortie en salle dans un contexte qui m'intriguait. J'ai reçu mon invitation très peu de temps après avoir posté la bande-annonce. Ce que j'ai compris est que les promoteurs du film avaient fait des recherches sur internet sur les blogs qui avaient parlé de Michael Moore précédemment et qu'ils les avaient contactés. J'avais en effet déjà posté la bande-annonce du film (sans qu'il ne me soit rien demandé) pendant l'été.
On est précisément (à une échelle microscopique) dans un exemple du genre de relations qui corrompent à grande échelle les MSM (vieux médias). Un marché faustien entre l'accès et le statut d'insider et une couverture médiatique (éventuellement positive). La full disclosure du blogo (prévue depuis le début) a pour but de mettre les cartes sur la table mais également de lancer ce débat passionnant. Les journalistes institutionnels font partie d'une structure de pouvoir dans laquelle ils ont un mode opératoire théorique (indépendants de toute pression, ils livrent la vérité brute de décoffrage aux citoyens en respectant des standards d'intégrité journalistique élevés) et pratique qui n'ont rien à voir (en pratique, ils ont des actionnaires qui se trouvent avoir investi dans la presse parce qu'ils avaient précisément l'intention d'influencer le débat: marchands d'armes, BTP, banques... et une catégorie spécifique et emblématique: Berlusconi!). Ca c'est la big picture mais il y a aussi le problème du lien entre les journalistes et les sujets dont ils traitent comme par exemple les relations entre l'Auto-Journal et un grand constructeur français. Le grand constructeur passe des pubs dans le magazine, les journalistes et les représentants des constructeurs se connaissent: si un journaliste pense que toute la gamme Peugeot tient la route très moyennement, vous pouvez être sûr que l'info ne va pas apparaître un beau jour en couverture.
L'internet vient tout changer. La corruption totale des corporate medias mise à jour sous Bush aux Etats-Unis a rendu les sources d'information alternatives immédiatement compétitives et quasiment seules dignes d'intérêts. Dans le même ordre d'idée, combien d'articles des Echos faudra-t-il lire avant d'avoir une perception de la crise qui reflète un tant soit peu la violence qui a été faite à la population en général au profit des banques? (ce post de Naked Capitalism, "Herding the sheep", nous décrit comment les vieux médias expliquent désormais à la population américaine que "seuls des losers minoritaires sont aujourd'hui amers au sujet de la crise" et que "it's time to move on").
Le problème, c'est que les voix qui arrivent à émerger sur le net sont immédiatement cooptées par les mêmes intérêts que ceux qui ont la haute main sur les vieux médias. El Blogo à l'avant-première de Michael Moore par exemple mais il y a plus préoccupant. Atrios (un des blogueurs américains les plus lus) s'est mis il y a quelques mois à consacrer un post sur dix environ à la promotion des transports publics aux Etats-Unis. Alors c'est "green" et c'est sympa mais pourquoi avoir attendu 5 ou 6 ans avant de se découvrir cette passion? Il a aussi emménagé récemment dans un appartement avec rooftop à Philadelphie (il faut quand même lui rendre cette justice: son trafic est tel qu'il est sans doute indépendant financièrement - mais le succès crée parfois de nouveaux besoins...). Josh Marshall qui a commencé comme journaliste faisant un blog "on the side" est désormais à la tête d'une petite entreprise et il a obtenu un siège parmi les journalistes couvrant la maison blanche. Dès qu'on a des salaires à payer à la fin du mois, le label "blog indépendant" devient très théorique.
Sans compter les imposteurs comme Huffington Post et Politico qui se prétendent "new media" alors qu'ils sont des faux-nez des MSM "from day one". Daily Kos (le site qui révolutionne le parti démocrate) est intermédiaire: il n'a pas démarré avec une campagne de promotion digne de "Windows 7" comme les deux autres mais il est devenu désormais une force politique institutionnelle accueillant un nombre ahurissant de contributeurs et de permanents.
Les blogueurs spécialisés qui trouvent une audience sont également immédiatement pris en main par les intérêts commerciaux dont ils traitent. Sur les mini-PC par exemple, le site Blogeee a très vite disposé d'avant-premières constructeurs qui amélioraient le contenu du site. Quelle indépendance reste-t-il une fois que ce genre de relation est établi? Pareillement, Jon Ostrower de "Flightblogger" est devenu un porte-parole de Boeing disposant d'informations privilégiées qui a aidé Boeing à gérer médiatiquement les retards du 787 avec des fuites calculées au millimètre préparant ou "fine tunant" les communiqués de presse. L'indépendance des blogueurs est périssable. En gros, quand un blog est assez connu pour que vous en entendiez parler, il est probable que des gens se demandent déjà depuis longtemps comment l'influencer. C'est "la tentation de l'infomerciale" de tous les grands intérêts économiques: comment faire de la publicité qui ressemble le moins possible à de la publicité? Une publicité idéale aux yeux des annonceurs: débarassée du stigmate d'être de la publicité.
Alors quoi? Faudrait-il dans une société que des acteurs purs et parfaits diffusent et commentent l'information avec la rigueur et la maîtrise d'un horloger suisse sans qu'il y ait la place pour des passions, des amitiés, des connivences, des emballements et des affrontements? La société après tout trouve des points d'équilibre et il est normal dans une certaine mesure qu'une structure informelle se superpose à la structure formelle (à condition que cette dernière ne se transforme pas en vaste tartufferie). Le commerce des hommes en général nécessite des concessions et le journalisme en nécessite tout particulièrement. On peut même arguer que l'hypocrisie journalistique et l'abrutissement général de la population est un élément essentiel de notre ordre social et (je n'irai pas jusque là) que cette machine bien huilée est la seule chose qui nous protège aujourd'hui d'une révolution sanglante. C'est ce que j'entends (en extrapolant) dans la bouche de certains politiques (j'ai notamment été choqué par les propos de Copé sur ce point) qui se plaignent de l'anarchie qui règne sur internet et qu'il faudrait selon eux "domestiquer" pour garantir la stabilité sociale. La loi Hadopi met d'ailleurs la France en situation de proposer au monde le premier système général permettant d'identifier sans mandat d'un juge les communications électroniques d'un individu de manière préemptive. C'est ce qui la rend liberticide et inacceptable dans le "pays des droits de l'homme" (formule usée mais encore efficace). Si l'infrastructure technique n'existe pas, le pouvoir ne risque pas d'en abuser. Si elle existe... Voir ce qui s'est passé sur les telcos aux Etats-Unis qui ont enfreint la loi au service de Bush en faisant des écoutes illégales et qui se sont vus amnistiés rétroactivement par le congrès (avec la position "contre", puis le vote "pour" de none other que "our main man" Barack Obama). Il faut bien noter que je ne conteste pas au juge le droit d'examiner toutes les communications d'un individu si des soupçons pèsent sur lui. C'est le contrôle "préemtif" qui est liberticide et bien pire que tout ce qu'ont pu imaginer au fil des années les romans d'anticipation les plus noirs sur les libertés civiles: les vies sont aujourd'hui complètement exposées au travers des communications électroniques des individus.
Nonobstant le mélange de soif de contrôle et d'imbécilité qui nous a apporté l'Hadopi, l'aspect intéressant de la période est que l'internet déplace le point d'équilibre sur le continuum entre le contrôle exclusif des médias par une poignée de professionnels à la solde du pouvoir (Corée du Nord?) dont nous ne sommes pas si loin (cf les critiques des médias comme celle de Serge Halimi, "Les nouveaux chiens de garde") et un paysage plus conforme à l'idéal démocratique où tout un chacun peut faire entendre sa voix (les opinions sur les forums peuvent être assimilées à des petits ruisseaux qui font de grandes rivières par exemple). Les "affaires" Polanski, Mitterrand et même Jean Sarkozy auraient toute connu un cours différent avant l'internet (pas nécessairement une issue différente mais un cours médiatique différent).
Le pouvoir est une ressource finie et il se partage difficilement. Il est donc naturel que des dents grincent dans les médias traditionnels face à la disparition de leur monopole et à l'exposition simultanée (et dévastatrice) de leurs manques. Comme dans la téléphonie mobile, l'arrivée d'un concurrent ne menace pas seulement les cheptels de clients plus ou moins captifs de chaque opérateur: elle menace surtout de faire baisser les prix et donc la manière de faire du business. De manière similaire, l'apparition dans tous les secteurs de la société de francs-tireurs plus ou moins idéalistes prêts à dire leurs vérités sans être contraint par Pierre Paul et Jacques rend votre "Christophe Barbier de base" complètement anachronique. Christophe Barbier n'a pas obtenu son bâton de Maréchal lui permettant de s'adresser toutes les semaines à des centaines de milliers de personnes (les plus influentes) par acclamation populaire. Non, il a fait carrière, embrassé les bonnes bagues, décrypté la structure de pouvoir pour y trouver sa place et a été promu par un cénacle extrêmement restreint. It's so 20th century! Le paysage médiatique va être de plus en plus conquis par des gens sortis du rang (qui vont faire l'objet de cooptation par les pouvoirs en place mais qui seront à n'en pas douter mécaniquement remplacés au fur et à mesure que leurs compromissions apparaîtront au grand jour). Les Etats-Unis sont en avance sur nous de ce point de vue là et j'ai une explication: la polarisation extrême qu'a engendré Bush et la compromission majeure des MSM dans ce contexte a été un booster sans pareil pour le rôle médiatique et politique d'internet là-bas. La France n'a pas encore connu une révolution aussi majeure (cf rôle de Daily Kos dans le parti démocrate face au site de "Désir d'avenir" de Ségolène Royale au PS - CQFD).
Donc voilà. Je vous rassure, El Blogo n'est pas devenu un insider à l'occasion de cette avant-première mais j'ai quand même pris la décision ne plus publier quoi que ce soit ayant fait l'objet d'une transaction sans en informer mes lecteurs immédiatement et pas de manière différée comme je l'ai fait "this one time". Pour ce qui est de mon opinion sur le film, il faudra repasser car je me suis un peu laissé emporter dans cette introduction. Dans un post futur donc...
samedi 24 octobre 2009
Jean Sarkozy - Jesus Christ
Je crois que j'étais finalement moins irrité par "Jean Sarkozy fils à Papa" que par "Jean Sarkozy Djizeusse Crouaïste".
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