Le Ministère des Finances allemand a annoncé hier la fin des "CDS nus" sur la dette souveraine européenne. Enfin une réponse musclée d'un politique à un système financier complètement hors de contrôle! La réponse ne s'est d'ailleurs pas faite attendre dans la blogosphère financière américaine: ils sont nombreux à hurler que "Merkel va tout casser" et que "c'est irresponsable" et "techniquement mal implémenté". D'autres, et j'en suis, trouvent que c'est au contraire audacieux et que nous n'avons que trop tardé. D'autres encore pensent que c'est une déclaration de guerre au complexe "Wawa" (Wall Street-Washington). On dit même que ce sont les renoncements répétés d'Obama sur la réforme financière au Congrès qui auraient poussé les allemands à cette extrémité. Et il est vrai que cette mesure est la porte ouverte à la mise sous coupe réglée du marché des CDS par les Etats (espérons que ce "cavalier seul allemand" ne durera pas) qui font enfin face à leurs responsabilités après plus de 18 mois d'une mollesse insigne devant les institutions financières. En effet, quand la supposée martingale des CDS a explosé à la figure des contribuables du monde entier à l'automne 2008, les Etats n'ont rien trouvé de mieux à faire que d'utiliser l'argent public et la création monétaire pour faire perdurer cette incroyable ineptie économique qui venait de faire la preuve de sa toxicité. Il s'agissait en effet d'une véritable poule aux oeufs d'or pour des banquiers sans foi ni loi qu'il fallait semble-t-il à toute force protéger. On se demande bien pourquoi...
Merkel jette donc un pavé dans la mare. Cela va-t-il déclencher une réaction en chaîne qui pourrait mettre le système financier international en difficulté? C'est une possibilité car les banques se doivent de répliquer si elles veulent protéger ce racket ô combien lucratif. L'euro a d'ailleurs déjà souffert pendant la nuit. Le chantage à l'implosion du système est le modus operandi des banques depuis le début de la crise. Si les choses devaient s'envenimer, des commentateurs "avisés" seraient alors nombreux à blâmer la Chancelière allemande pour cette mesure alors qu'elle n'aura été en réalité que la simple réponse à une situation intenable. Merkel ne fait que refuser l'inacceptable. En effet, par le passé, les spéculateurs devait mobiliser des capitaux substantiels pour mener un combat "à la loyale" avec les banques centrales (on pense à Soros en 1992 par exemple). Aujourd'hui, avec des produits dérivés comme les CDS, il n'y a pas de limite aux positions spéculatives que les intervenants de marché peuvent prendre face aux banques centrales. Comble du ridicule, ces positions purement factices qui ne nécessitent pas (ou beaucoup trop peu) de collatéral ne peuvent exister que parce que les banques sont soutenues à bout de bras par les Etats, les banques centrales et finalement tout le corps social!!! La vérité est qu'il est grand temps qu'un politique, quelque part, finisse par avoir le cran de remettre les banquiers à leur place.
J'entendais Jacques Généreux ce week-end déclarer que l'attitude des politiques face aux banques dans la crise relevait jusqu'à maintenant de l' "esprit de Munich". David Abiker le mettait en garde aussitôt en lui rappelant la règle de Godwin (selon laquelle les gens qui n'ont plus rien à dire dans un débat finisse d'une manière ou d'une autre par invoquer l'Allemagne nazie). Je crois cependant que l'analogie a un peu de mérite. Depuis l'automne 2008, les politiques n'ont fait que se coucher devant les institutions financières sous l'impulsion des Etats-Unis où les banques font la pluie et le beau temps (Goldman Sachs a été le second contributeur de la campagne d'Obama, le Sénateur Dick Durbin a déclaré que les banques "possédaient franchement le Congrès" etc...). Pourtant, et c'est là que l'analogie avec Munich se justifie: plus on leur donne, et plus elles sont en appétit. Il faut donc que quelqu'un dise "stop!" car les banques ne se calmeront pas d'elles-mêmes. Pourquoi? La raison en est simple: elles sont elles-mêmes abasourdies par le volume de soutien qu'elles reçoivent et elles savent bien que cela ne peut pas durer. En conséquence de quoi, plus que jamais, la seule chose qui compte est le prochain bonus car tout le monde sait que c'est très probablement le dernier. Le système de bonus combiné à l'afflux quasi illimité de liquidité rend donc impossible la modération et "l'atterrissage contrôlé" du système bancaire. Les banquiers ne peuvent être apaisés! Nous ne pourrons que les mettre au pas. Et il ne faut cependant pas se tromper: cela va nous coûter dans un premier temps. Comme à Munich, faire face à nos responsabilités n'a rien de réjouissant mais en différer le moment ne fera qu'aggraver les choses.
Depuis que la prise d'otage des citoyens par les banques a commencé à l'automne 2008, nos hommes politiques ont connu un véritable syndrome de Stockholm. Nous avons en gros suivi l'exemple américain sans réaliser qu'il nous condamnait à appliquer chez nous les mesures que Wall Street ordonnait à Washington et qui aboutissait sans surprise à engraisser prodigieusement une seconde fois les banques qui avaient déjà fait "jackpot" en causant la crise. Le conservatisme, le manque d'indépendance d'esprit et le confort psychologique que nous procure l'ordre américain nous ont conduit à une position de soutien illimité à des banquiers faillis et à un système financier international également failli. C'est un peu l'histoire de la femme battue qui ne veut pas envoyer son conjoint en prison pour préserver son mode de vie mais qui fait l'objet de plus en plus de violence.
Merkel en a donc eu assez de tendre l'autre joue et nous lui en sommes redevables. Quelles que soient les difficultés à venir (et elles seront pires que celles que nous avons connues jusqu'à aujourd'hui), il fallait bien que quelqu'un se décide à prendre le mors aux dents. Le status quo actuel qui permet aux banques de s'abreuver directement de cash à la fontaine des banques centrales ne peut pas et ne doit pas durer. Cette situation grotesque sape les fondements de notre système économique. Il est tragique que pendant 18 mois, la faillite économique des banques aient été suivie par une faillite morale qui a ridiculisé les politiques du monde entier. Cette faillite morale n'était pas nécessaire et elle a corrompu les fondations des principales économies mondiales (création monétaire débridée au profit quasi exclusif de la sphère financière, abrogation pure et simple de règles comptables gênantes dans la finance, généralisation de l'aléas moral, collusion entre pouvoir politique et financier, récompense de l'échec, destruction du pacte social et de la confiance des citoyens dans leurs élites, concentration accrue des banques surtout aux Etats-Unis...). L'infection de dettes pourries qui aurait dû être traitée alors qu'elle était encore circonscrite à la sphère financière a maintenant atteint les finances publiques et ronge tout le corps social. Il est grand temps qu'on essaye sérieusement d'arrêter le massacre.
mercredi 19 mai 2010
Elections partielles, primaires, la vieille garde massacrée
Arlen Specter a perdu son siège (il avait déserté le parti républicain il y a quelques mois car il pensait avoir plus de chances de gagner comme démocrate...). Blanche Lincoln est en difficulté dans une primaire (corporate tool en dépit de son amendement un peu dur sur les produits dérivés qui n'avait aucune chance de passer et qui était surtout une posture électorale). Rand Paul, le fils de Ron Paul a gagné une primaire pour les sénatoriales dans le Kentucky.
Dure soirée pour les caciques.
Dure soirée pour les caciques.
Le privilège exorbitant a la vie dure
Barry Ritholtz remarque une étude de l'ISI qui montre que depuis 2007, la taille du bilan de la FED a augmenté de 165% contre seulement 70% pour la BCE. Cela lui fait conclure que la BCE a "de la marge de manoeuvre. Malheureusement, comme nous le constatons amèrement en ce moment, le postulat selon lequel les mêmes règles s'appliquent au dollar et à l'euro ne semble pas très réaliste.
En théorie effectivement, le dollar aurait dû dévisser par rapport à l'euro et beaucoup de gens pensaient quand l'euro était à $1,60 qu'il irait à $2. Malheureusement, les faiblesses structurelles de l'euro et le monopole apparent des américains sur les croyances qui structurent nos perceptions de l'économie font que le dollar reste étonnamment haut. Mieux encore, c'est toujours une valeur refuge!
En théorie effectivement, le dollar aurait dû dévisser par rapport à l'euro et beaucoup de gens pensaient quand l'euro était à $1,60 qu'il irait à $2. Malheureusement, les faiblesses structurelles de l'euro et le monopole apparent des américains sur les croyances qui structurent nos perceptions de l'économie font que le dollar reste étonnamment haut. Mieux encore, c'est toujours une valeur refuge!
Goldman, toujours plus fort...
La firme n'a pas fait une journé de perte de trading au trimestre dernier. Mieux, il n'y a pas eu un jour où elle a gagné moins de $25 millions.
En revanche, cette news Bloomberg indique que 7 des 9 "trades" conseillés par Goldman pour 2010 se sont révélés perdants. Believe it or not.
C'est un des dadas de Zero Hedge: il faut toujours faire l'inverse de ce que recommande Goldman: s'ils recommandent l'or, c'est qu'ils en vendent. S'ils suggèrent l'euro c'est qu'ils investissent dans le dollar etc... Une fois de plus ces chiffres bizarres (perdants sur les recos, gagnants avec leur blé) confirment les suspicions que soulève ZH.
Il va finir par falloir envoyer l'armée au 85, Broad Street. Cette plaisanterie n'a que trop duré.
En revanche, cette news Bloomberg indique que 7 des 9 "trades" conseillés par Goldman pour 2010 se sont révélés perdants. Believe it or not.
C'est un des dadas de Zero Hedge: il faut toujours faire l'inverse de ce que recommande Goldman: s'ils recommandent l'or, c'est qu'ils en vendent. S'ils suggèrent l'euro c'est qu'ils investissent dans le dollar etc... Une fois de plus ces chiffres bizarres (perdants sur les recos, gagnants avec leur blé) confirment les suspicions que soulève ZH.
Il va finir par falloir envoyer l'armée au 85, Broad Street. Cette plaisanterie n'a que trop duré.
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