AIG vient de recevoir une aide gouvernementale pour la quatrième fois depuis septembre. Un éditorial du NYT demande: à qui cela profite-t-il? D'abord à leurs contreparties (tout le monde pense qu'AIG est mort de toute façon) et il semble qu'avant la crise, leur principal partenaire de trading était Goldman Sachs*. Il y a eu des couvertures massives de positions dans les subprimes via des CDS (il semble qu'AIG ait été du mauvais côté de ces trades). Cela a pris de telles proportions que cela mettait en risque les établissements financiers qui vendaient cette protection (que la logique rendait dès lors illusoire). Un peu comme si vous vous assuriez auprès de votre voisin contre l'incendie de votre immeuble.
Si en revanche, vous êtes assez "politically connected" pour que votre contrepartie soit remplacée le moment venu (en tirant quelques ficelles) par le gouvernement américain alors oui, ça peut valoir le coût de se protéger.
Certaines banques comme JP Morgan, Morgan Stanley ou Goldman Sachs ont accepté l'argent de l'Etat du bout des lèvres. La bruit a couru (fort à propos) qu'elles ne le faisaient que pour éviter à leurs concurrentes au bord du gouffre d'être stigmatisées par les marchés. Cette rumeur paraissait déjà assez "self-serving" à l'époque et destinée à ce que personne n'ose leur demander de comptes. Certaines de ces banques ont même déclaré** quand l'Etat s'est mis à devenir un peu plus exigeant (notamment sur le contrôle de la rémunération des dirigeants): "on va vous rembourser le plus vite possible" sous-entendant que, vraiment, ils avaient accepté l'argent mais n'en avaient pas réellement besoin ("le plus vite possible" était quand même 2010...).
On est donc ici au coeur du réacteur nucléaire du bailout: en sauvant AIG, le trésor américain sauve en réalité Goldman et les autres. La destination finale des fonds est cachée par l'opacité (injustifiable) du bailout. Quelle excellente opération de communication pour JP, MS, GS et Bank of America! Vous rajoutez une dose de mauvaise foi et de morgue aristocratique et voilà, le sommet de la hiérarchie bancaire américaine est préservé après avoir perpétré le crime du millénaire. Nice!
Bon évidemment, ces apprentis sorciers donnent aujourd'hui l'impression d'être parfois dépassés par les évènements et leur laboratoire semble sur le point d'exploser mais vraiment chapeaux bas: quel final grandiose!
Il y a donc finalement trois types de banques/établissements financiers aux Etats-Unis, les banques faillies, les banques moribondes maintenues en vie par l'Etat dans le seul but de renflouer en loucedé le troisième type de banque: les banques "élues" qui ont été désignées comme devant survivre et servir à la réorganisation du système bancaire américain dans le bureau du Secretary of Treasury à l'automne 2008. Secretary of Treasury qui était alors le CEO sortant de Goldman Sachs donc on peut dire "autodésignées". Et en faisant référence (de façon peu académique) à l'astérisque ci-dessous, on peut même se demander si ce meeting n'a pas en réalité eu lieu à la FED de New York avec le CEO sortant ET le CEO en fonction de Goldman Sachs, pour faire bonne mesure. A noter qu'à ce meeting, il y avait aussi Tim Geithner, le président de la FED de NY devenu depuis le nouveau Secretary of Treasury. Cela en dit long sur l'influence réelle de l'élection d'Obama sur ces évènements: à peu près nulle. Il ne sera pas facile pour Obama de changer les choses. Etre élu président n'était qu'un échauffement comme annoncé dans les deux derniers paragraphes de ce post.
Note: TPM Media sur le sujet.
*Goldman Sachs a vraiment un statut particulier au sein des institutions financières américaines (souligné par l'éditorial du NYT référencé plus haut: What is certain is that Goldman has lots of friends in high places — yet one more reason why this bailout has to be as transparent as possible. Lloyd Blankfein, Goldman’s chief executive, was the only Wall Street executive at a September meeting at the New York Federal Reserve to discuss the initial A.I.G. bailout.) et notamment à cause de sa propension à disséminer ses anciens dans toutes les administrations, républicaines et démocrates. C'est un peu le mirroir privé de l'inspection des finances en France qui, elle, dissémine ses fonctionnaires à la tête des grands établissements financiers français. Ce qui renvoie au rôle respectif du privé et du public dans les deux pays.
mardi 3 mars 2009
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