Tout cela rappelle bien sûr le comportement des élites américaines suite à la guerre en Irak: une fois que les commentateurs, dans un bel ensemble, ont soutenu une intervention, ils ont partie liée avec le pouvoir et il est très douloureux pour leur précieux amour propre de revenir en arrière (surtout après les rodomontades et le "rush psychologique" nécessaires au déclenchement d'aventures martiales de ce type).
Personne n'est donc responsable de ce fiasco. Personne n'examine les raisons, avouées ou inavouées, qui nous y ont conduit. Et la France et ses élites de goûter enfin à la transe guerrière dont Chirac les avaient privé en 2003 (un peu seulement - on n'a pas assez d'avions pour une vraie bonne guerre!). Avec bien sûr aucun recul ni aucune analyse sur les dysfonctionnements au plus haut niveau qui ont pu causer cette catastrophe.
Car ils sont nombreux aujourd'hui à prédire une catastrophe humanitaire en Libye. Et que va-t-on faire sinon reproduire le schéma irakien d'asphyxie de la population pour affaiblir l'autocrate? Déja 500000 personnes déplacées (retour au pays d'immigrés travaillant en Libye). Qu'ont fait les libyens pour mériter ce traitement? Et nos petits égos d'occidentaux désormais tout investis dans notre erreur initiale, prêt à faire souffrir le martyr à des millions de personnes pour ne pas avoir à affronter notre imbécillité.
Enfin, face aux remous dans le monde arabe, beaucoup de "démocrates" occidentaux friands de "chocs de civilisations" ne sont pas mécontents qu'on ait rappelé aux Arabes qu'on pouvait toujours les réduire en miettes à tout instant et qu'on le ferait sans aucun état d'âme dès que l'occasion s'en présenterait. Quelle meilleure publicité pour la prolifération nucléaire?
Note: le blogo soutient l'intervention en Côte d'Ivoire. Alors, oui, c'est la première fois que j'en parle (sauf pour m'étonner qu'on intervienne en Libye et pas là-bas) et ça fait vraiment "vol au secours de la victoire" mais il fallait bien que le dise. J'aurais préféré que la France ne soit pas aux premières loges en raison de son statut d'ancienne puissance coloniale. Mais il y avait eu des élections et l'intervention visait à aider la prise de pouvoir d'un dirigeant "légal". A noter les liens curieux entre le PS et Gbagbo soulignés par Juppé. Etranges pour le non-initié.
(Note sur la note: Je ne me suis pas fait assez de crédit, j'expliquais dès le 18 mars que l'intervention en Côte d'Ivoire me semblait plus justifiable: "Et où est la validation démocratique de cette nouvelle guerre? Qui va la payer? Quels sont les standards définissant la mise en place de zone d'exclusion aérienne? Et la Côte d'Ivoire? Tout le monde s'en fout? Au moins, là, il y a eu des élections qui pouvaient fonder un argument juridique pour une intervention. Ce n'est pas seulement l'occident qui décide si tel ou tel a "une sale gueule" ou pas.")
Note 2: cette collusion née d'une complicité initiale entre le commentariat et les dirigeants existe également dans la crise financière. Nos systèmes politiques ne sont pas conçus pour faire face de manière efficace à la faillite des élites. Ils sont conçus pour les préserver quoi qu'il arrive.
Extrait de l'article du Boston Globe:
EVIDENCE IS now in that President Barack Obama grossly exaggerated the humanitarian threat to justify military action in Libya. The president claimed that intervention was necessary to prevent a “bloodbath’’ in Benghazi, Libya’s second-largest city and last rebel stronghold.
But Human Rights Watch has released data on Misurata, the next-biggest city in Libya and scene of protracted fighting, revealing that Moammar Khadafy is not deliberately massacring civilians but rather narrowly targeting the armed rebels who fight against his government.
Misurata’s population is roughly 400,000. In nearly two months of war, only 257 people — including combatants — have died there. Of the 949 wounded, only 22 — less than 3 percent — are women. If Khadafy were indiscriminately targeting civilians, women would comprise about half the casualties.
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