"Repérage téléphonique" et pas "écoute"? Mais il est évident à un enfant de trois ans que l'information importante en l'espèce était l'existence d'un contact, pas le verbatim de la conversation. Qui plus est la conversation avait déjà eu lieu et ne pouvait donc plus être "écoutée".
Le problème c'est ce que s'autorisent ou non des élites menacées pour se préserver. Si elles en sont à enfreindre la loi pour couvrir des crimes passés (établis ou non), elles doivent être démises. Alors oui, la pratique démocratique française (frileuse, étriquée et peu respectueuse des grands principes) ne permettra sans doute pas ce type de dénouement mais tous les français épris de démocratie doivent le regretter.
Sarkozy, Guéant et les autres n'ont pas du tout assez peur de leurs concitoyens. C'est à cela qu'on reconnait une démocratie qui fonctionne: des élites qui ont peur du peuple et non l'inverse. Non, la France se complait dans la soumission à ce petit "Putin lite" qui ne recule devant rien pour préserver son pouvoir.
Vous avez peut-être l'impression de vivre en démocratie car vous avez le sentiment (à raison très certainement) que vous n'avez pas été écouté(e) lors de votre dernier coup de fil à votre conjoint. La plupart des gens qui ne s'expriment jamais dorment également sur leurs deux oreilles en se disant que la constitution leur garantit la liberté d'expression. Mais ces garanties n'ont d'intérêt que quand elles s'appliquent à des gens qui mettent en cause de manière significatives le pouvoir. Si les gens qui veulent s'opposer au pouvoir en le dérangeant de manière substantielle se voient immédiatement privés de toutes leurs garanties constitutionnelles, nous ne vivons pas en démocratie. Et c'est ce qui se passe de manière routinière (on se souvient de la célérité avec laquelle Rachida Dati avait été mise en cause dans l'affaire des rumeurs sur Bruni et un chanteur - quelles règles avaient été bafouées à l'époque?).
L'aveu de Guéant est absolument dévastateur. Nos vies laissent tellement de traces informatiques aujourd'hui qu'un Etat dans lequel l'exécutif peut obtenir toutes les données qu'il demande sur un individu en dehors de tout processus judiciaire est bien pire que tous les cauchemars de George Orwell. Dans cette nouvelle lutte entre un pouvoir qui utilise des techniques de flicage "micrométriques" et une population bénéficiant de garanties constitutionnelles, il ne peut en rester qu'un. Nous devons donc repenser et verrouiller l'usage par l'exécutif des bases de données informatique comprenant des informations nous concernant. Et être impitoyable juridiquement et électoralement avec tous ceux qui commettent des écarts. Ceux qui ont demandé la collecte illégale d'information ne sont plus dignes d'exercer des fonctions politiques. C'est aussi simple que ça. Et si vous pensez que je monte sur mes grands chevaux, je vous demande de réfléchir un peu au monde qui se prépare si nous laissons à nos gouvernants le type de lattitude qu'ils s'arrogent honteusement de manière routinière (dévoilant au passage le mépris profond qu'ils ont pour les principes démocratiques les plus élémentaires).
La gauche sera-t-elle à la hauteur de l'enjeu? Il s'agit ni plus ni moins que de la préservation de l'idée de liberté dans l'ère numérique. Jamais l'Etat n'a bénéficié de tels moyens pour contraindre sa population à une soumission servile. Et nous le savons tous déjà. Qui doute aujourd'hui du fait que quelqu'un qui contribue de l'argent à wikileaks va se retrouver sur une liste quelque part (en France ou à la CIA)? Combien sont dissuadés de contribuer car "ils ne veulent pas d'ennuis" alors que wikileaks n'a fait l'objet d'aucune condamnation pour l'instant?Je ne me prononce pas ici sur l'opportunité de donner à Wikileaks mais simplement sur le fait que ceux de nos concitoyens qui le désirent doivent pouvoir le faire avec la certitude qu'aucune police politique n'en prendra note. Il faut que la peur change de camp. Il ne faut plus que le citoyen se demande tous les jours ce que le gouvernement sait, ne sait pas ou pourrait savoir sur lui mais que les responsables qui décident éventuellement de bafouer les libertés fondamentales de leur population se réveillent en sueur la nuit en pensant aux conséquences personnelles de leurs actes s'ils étaient découverts.
Note: Il n'est pas impossible d'ailleurs que certaines des informations qui sont sorties sur les dispositifs de surveillance de la population américaine (et mondiale) mis en place depuis le 11 septembre ne l'aient été dans une volonté d'intimidation. Le gouvernement vous fiche tous les jours, mais si vous savez que vous êtes fichés, vous vous comportez en conséquence et vous diminuez d'autant sa charge de travail...
Dans le même esprit, on a beaucoup parlé de la promotion de la torture faite fort à propos dans la série "24 heures chrono". Mais une autre idée tout aussi toxique a été diffusée par cette émission: que le gouvernement pouvait obtenir toutes les informations qu'il voulait sur vous quasiment immédiatement et sans qu'un juge n'intervienne pour déterminer la légalité de la demande. Cela était présenté comme naturel et nécessaire pour empêcher qu'une bombe atomique n'explose dans votre jardin. L'intériorisation du fait que "nous sommes fliqués" par la population est sans doute encore plus puissante en termes de contrôle social et politique que le flicage lui-même...
Note 2: Sans oublier les ectoplasmes d'Orange qui auraient dû refuser ces demandes illégales mais qui se sont couchés honteusement comme tout le monde s'y attend, à tel point qu'on ne pense d'abord même pas à le remarquer.
jeudi 1 septembre 2011
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