Le postulat des américains dans la gestion de la crise (postulat un peu contraint car c'est leur seule porte de sortie) est que l'endettement des Etats ne sera limité en aucune manière. Tous les acteurs économiques doivent se serrer la ceinture car l'accès au crédit est devenu plus difficile mais les Etats échapperont à cette règle. On peut néanmoins se demander qui va continuer à prêter dans ce contexte de contraction économique. Les chinois vont-ils continuer à trouver les emprunts d'Etats américains si attractifs si une partie de leur population retombe dans la misère et que les américains, en plus, n'achètent plus leurs produits? Et les investisseurs privés? Vont-ils continuer à croire les portraits qu'ils lisent dans le triptyque (WSJ, FT et The Economist) présentant les Geithner et autre Summers comme "the best economic team ever assembled" et continuer à considérer le dollar comme une valeur refuge alors que ces pieds nickelés ne cessent se se prendre les pieds dans le tapis?
En tout cas, il semble que le Royaume-Uni commence à avoir du mal à écouler sa dette avec une "failed auction" (enchères ratées) durant laquelle toute la dette offerte n'a pas trouvé preneur. C'est la première fois depuis 1995 qu'une enchère échoue et cela se produit alors que le Royaume-Uni se lance dans le plus grand programme d'émission de dette jamais entrepris (£146 milliards cette année). Pas très rassurant. Dans le même registre, la perte de valeur de la dette d'Etat américaine a conduit la FED a acheté $300 milliards de Treasuries la semaine dernière ce qui est la toute dernière péripétie dans les tentatives américaines de "se soulever en tirant sur leurs lacets" ("pull themselves up by their own boostraps"*). Voir cet article également sur la difficulté de maintenir les taux bas en innondant simultanément le marché d'obligations.
Alors que les pays anglo-saxons se lancent dans un grand programme de blanchiment de dettes pourries (faire de la dette privée en défaut de la dette d'Etat blanche comme neige), on se demande vraiment qui va vouloir (ou même pouvoir en pensant aux vaillants petits soldats de l'empire qui se jetteraient sous un train sans hésiter pour le préserver - il y en a) s'offrir ces obligations.
Le problème est que si un mouvement général de défiance envers la dette souveraine des Etats devait finalement apparaître, il ne s'arrêterait probablement pas aux seuls pays anglo-saxons. Il risque de peser également sur les pays qui auront fait preuve de plus de retenue dans la gestion de la crise. Comment faire pour ne pas être entraîné dans la chute des Etats-Unis? On aurait pu commencer par avoir une politique monétaire qui marque plus de distance vis à vis de la FED mais ça, ça semble raté. On pourrait ensuite faire dans la mesure en ce qui concerne le déficit budgétaire et les plans de relance de tous poils mais là encore il n'y a pas de garantie de succès (à noter le poids des anglo-saxons dans ce débat alors qu'ils ne devraient plus être écoutés).
L'Europe doit se démarquer assez nettement des Etats-Unis si elle ne veut pas être entraîner dans leur chute (si tant est que cela soit évitable). Les investisseurs qui achètent des dollars quand les choses s'agravent sur les marchés ne disent pas autre chose. Si les choses s'agravent, autant faire confiance au boss même si tout est de sa faute. Pour l'heure, l'Europe est le passager effrayé d'un véhicule conduit par un brigand en cavale et tant qu'elle ne fera pas mine de vouloir reprendre le volant avec les autres passagers, tous continueront à s'en remettre au conducteur actuel.
* cette expression a un sens positif en anglais en dépit du caractère illogique de la proposition. Cela signifie "se débrouiller par soi-même pour améliorer son sort". Je l'utilise ici au premier degré pour signifier le caractère illusoire de la tentative.
mercredi 25 mars 2009
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