jeudi 27 novembre 2008

La défaillance de Mukasey trahit-elle son sentiment de culpabilité?

Un évènement étrange a eu lieu lors d'un dîner d'une association de juristes à Washington la semaine dernière. Robert Mukasey, le ministre de la justice, a eu un malaise alors qu'il y donnait un discours. Il semble qu'il ait été déstabilisé quelques minutes avant de défaillir par un juge de la cour suprême de l'Etat de Washington qui a crié dans la salle "Tyran, vous êtes un tyran!" en réponse à la n-ième défense de Mukasey de la couverture juridique qu'il a donnée aux crimes de Bush justifiés par l'inepte "war on terror" (tortures, détentions arbitraires, écoutes généralisées...).

Pendant l'ère Bush, les élites américaines ont redéfini les limites de ce qui était acceptable. La guerre d'agression est devenue nécessaire. La torture est devenue utile (voir note en bas du post). Quand les élites brisent ces interdits, elles bâtissent simultanément un cadre juridique et rhétorique permettant de justifier ces actions. L'opposition à ces pratiques est discréditée comme irréaliste, dangereuse. Mukasey est complètement rompu à justifier ses actions contre "les blogueurs de gauche", les activistes et autres "bleeding heart liberals". Ce qui a pu le déstabiliser cette fois-ci est que l'attaque venait d'un homme du sérail, d'un de ses pairs dans un contexte que Mukasey devait à tort considérer comme protégé (et qui l'aurait été dans un monde pré-Obama). Et tout à coup, l'homme qui vivait dans la fiction selon laquelle ses transgressions étaient légitimes car elles faisaient l'objet d'un consensus au sein des élites est confronté à leur véritable nature: criminelle. Le roi est nu. Les huées ne sont pas loin. On défaillirait pour moins que ça.

Avec la victoire d'Obama, parler devient moins risqué. Espérons que les langues vont se délier et que l'atmosphère d'omerta du "patriotisme" bushiste se dissipe peu à peu. Espérons qu'à coup de sorties comme celle-là, les frontières de l'acceptabilité redeviennent ce qu'elles ont été avant l'ère Bush et que le diable rentre dans sa boîte. Il est possible que l'impact le plus important de l'élection d'Obama dans un premier temps soit de libérer la parole, notamment au plus haut niveau. Ce faisant, elle permettrait dans un second temps aux Etats-Unis de changer plus que ne le laissent subodorer les premières nominations d'Obama.

Updtate: Pour ceux qui veulent voir illustré le consensus des élites politiques et journalistiques sur les errements de Bush dans l'illégalité que je postule, vous pouvez commencer par cette "étude de cas" (en anglais).

Note sur la torture: je voulais faire un lien vers l'abjection qu'ont représentée certaines pratiques américaines à Abu Ghraib mais le blogo n'a pas pour but de vous empêcher de dormir. Je vous épargne donc le coup au coeur mais je vous demande de me croire quand je vous dis que ces transgressions nous font perdre à tous notre humanité. Pour ceux qui y tiennent et qui ont mon email, je peux vous envoyer le lien. Pour ceux qui y tiennent et qui n'ont pas mon email, il y a Google. Si on brise le tabou, anything goes... C'était censé être la supériorité des américains sur Saddam Hussein, espérons que ça le redevienne (que n'a-t-on pas entendu sur les "torture chambers" de Saddam Hussein avant de tomber dans... Abu Ghraib).

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