vendredi 29 mai 2009

Faut-il créer une "Blogo Non-compliant List"?

Ce serait une tâche titanesque... Je pourrais en tout cas commencer par ce petit poisson John Dugan (via The Big Picture). Je ne sais pas quel deal il a avec les banques mais il est à peu près certain qu'il en a un.

12%

Atrios signale que 12% des américains qui ont un emprunt immobilier sont en retard dans le paiement ou ont vu une procédure d'éviction engagé contre eux. Il remet à leur place les idées de "jeune pousse" (green shoots) de la reprise ici et .

Bush sort de son silence...

Et quand on lui demande ce qui lui manque depuis qu'il a quitté la maison blanche, il répond "Rencontrer des GIs et la nourriture de la maison blanche". Il ajoute également "voler sur Air Force One". Whoaaa.

Contrairement à Cheney qui continue toute voile dehors à faire l'article pour la torture (dans le but évident de ne pas laisser se développer une atmosphère qui l'enverrait à terme dans le box des accusés), Bush a très peu parlé depuis qu'il a quitté la maison blanche. Il apparaît donc pour que ce qu'il est dans ses déclarations: un simplet absolu sans repères moraux complètement immature.

Sur la crise, il incrimine un "manque de régulation responsable" comme s'il débarquait de la planète Mars. Il dit que Fannie et Freddie n'auraient pas dû adopter certaines pratiques financières et ajoute "Je ne veux pas apparaître comme un gars qui s'autocongratule mais nous avons vraiment essayé de les en empêcher". Are you f-cking kidding me?

Je ne sais pas ce que font ses marionettistes mais à leur place, je ferais taire Bush au plus vite ou alors je l'encadrerais autant qu'à la maison blanche (ce qui coûterait sans doute trop cher).

Update: il semble que l'intervention de Bush ait été plus substantielle (et donc moins pathétique) que ce que j'avais cru à la lecture de la première dépêche (elle a duré 1H15). Pas de surprises néanmoins. Extraits:

"I can tell you,'' Bush said, "the information gained saved lives."

The president told an audience of about 2,000 in Benton Harbor of a White House meeting in September in which his economic advisers told him: "'You could be the president presiding over a depression even worse than the Great Depression'... That was a a sobering moment," Bush said. "And so I abandoned my principles. I'm a free-market person. I believe the market should sort things out."

That's when Bush acquiesced to a multibillion-dollar federal bailout of the nation's financial markets.

He called the invasion of Iraq one of his toughest decisions: "The intelligence was a disappointment, but it wasn't the only rationale I gave," he said. "Saddam was a dangerous man. I truly believe the world is better off without him. ... The (invasion) was truly worth it, I believe."

Les centaines de milliers de morts et les millions de déplacés "beg to differ".

Friday Plane Blogging

Confessions d'un néolibéral repenti (ou presque)

Stephen Colbert au sujet de George W. Bush: "The greatest thing about this man is he's steady. He believes the same thing Wednesday that he believed on Monday, no matter what happened Tuesday."

J'ai été néolibéral. Voilà, c'est dit. Je croyais que Thatcher et Reagan avaient imprimé une direction à l'économie mondiale qui était à la fois souhaitable et irrésistible. "Souhaitable" car elle permettait la croissance qui permettait à son tour l'épanouissement des populations. "Irrésistible" car à long terme, si vous ne croissez pas autant que vos voisins vous finissez par tomber sous leur coupe. Le refus de la France d'embrasser le corps de doctrine qui rendait nos voisins anglo-saxons si performants me semblait être une stratégie à très courte vue.

Evidemment, la description d'une "France Immobile" (Pierre Lellouche) face à un monde anglo-saxon en ébullition a été faite et refaite. On citera "La France Qui Tombe" de Nicolas Baverez, "L'aveuglement français" de Philippe Manière ou les tentatives d'incursion en politique d'un Christian Blanc. Ils assénaient les chiffres des performances économiques systématiquement défavorables à la France, ils affirmaient qu'après de très fortes années de croissance il valait mieux désormais être pauvre aux Etats-Unis qu'exclu en France. Ils y croyaient et moi aussi. Et quand bien même on aurait souhaité préserver quelques aspects de notre modèle social, ils n'auraient été finalement que des freins à la nouvelle religion économique mondiale: le marché supposément libre de toute entrave. De toute façon les français ne savaient pas de quoi ils parlaient, le gospel se trouvait dans les pages du triptyque (FT/WSJ/The Economist) et il ne restait aux continentaux qu'à regarder les anglo-saxons pour admirer et voir "how it's done". C'est l'époque du blairisme triomphant qui affirmait n'être "ni de droite ni de gauche mais pour ce qui marche". Les français ne parlaient de toute façon pas beaucoup: nous ruminions notre conservatisme mais personne ne songeait réellement à relever le sempiternel "défi américain". Quand on demandait à Martine Aubry ce qu'il fallait penser des jeunes diplômés français qui s'exilaient en Angleterre, elle répondait "qu'ils y restent" ou quelque chose dans ce goût-là.

Evidemment, plus qu'une France "résistante" aux formes anglo-saxonnes, de nombreuses voix de gauche (ou souverainistes) protestaient contre une soumission totale aux pages saumonées du Financial Times ou aux diktats de la nouvelle orthodoxie économique mondiale. Privatisations, fonds de pension, dérégulation: beaucoup de ces concepts développés aux Etats-Unis ont connu d'une manière ou d'une autre leur heure de gloire en France (et plus encore en Europe). Il a même été question encore récemment de transformer les maison françaises en tirelire en s'inspirant des méthodes utilisées avec les résultats que l'on sait aux Etats-Unis et en Angleterre. Après tout, eux, ils croissaient.

Qu'on s'en réclame ou qu'on l'exècre, l'idéologie libérale est devenue le prisme au travers duquel tous les débats politiques se sont organisés lors des dernières décennies. Face à ce rouleau compresseur qui nous promettait la fin de l'histoire, les clivages politiques se sont peu à peu effacés. La prospérité aidant, l'idée même de contestation est devenue désuète. Je ne vois guère qu'Emmanuel Todd qui n'ait pas été dupe des prouesses économiques américaines. Beaucoup de gens étaient viscéralement opposés au modèle américain mais tout le monde pensait qu'il y avait bien là un modèle et ceux qui ne l'aimaient pas en redoutaient quand même la puissance. L'idée qu'il était bâti sur du sable semblait simplement l'incantation d'un intellectuel mal dans son monde qui refusait la réalité. Et c'était peut-être le cas*.

Pour ma part, je pensais qu'il valait mieux adopter et adapter (autant que faire se pouvait) les formes anglo-saxonnes plutôt que de se résoudre à être d'abord à la remorque puis finalement racheter par une puissance économique supérieure. Plus que de la ferveur idéologique, il ne s'agissait en ce qui me concernait que de faire en sorte que les entités auxquelles j'appartiens (France, Europe) maintiennent autant d'indépendance que possible. D'aucuns diront que cela revient à se jeter dans la piscine pour éviter d'être mouillé par la pluie. Il faut quand même se rappeler que les entreprises du Cac 40 étaient possédées en grande partie par des fonds américains qui s'appropriaient ainsi les dividendes des plus grosses entreprises françaises. Des rumeurs ont prêté àPepsi l'intention de reprendre Danone en 2005, à Citigroup de reprendre la Société Générale en 2006 (SG a une capitalisation aujourd'hui supérieure à Citi...). Il y a eu des rapprochements réalisés de part et d'autre mais la puissance financière n'était globalement pas de notre côté (ni l'intelligence à en juger par l'escapade hollywoodienne de Jean-Marie Messier). Encore quelques années de croissance beaucoup plus forte dans la sphère anglo-saxonne et ce genre de scénarios se seraient multipliés...

Les choses ont bien changé et j'ai changé avec elle. Je me suis rendu compte en allant vivre aux Etats-Unis que ce que j'avais envisagé comme un exemple était en fait une impasse car l'accroissement des inégalités avait cassé l'appareil démocratique. C'est pour cela que la ritournelle préférée du blogo est que que la crise que nous traversons est d'abord une crise politique avant d'être une crise économique. Au début des années 2000, la démocratie américaine avait perdu peu ou prou son caractère représentatif. Les banques légiféraient pour les banques, les telcos pour les telcos, le complexe militaro-industriel pour le complexe militaro-industriel et ainsi de suite...

J'ai donc, contrairement au George W. Bush de Stephen Colbert, modifié mon jugement. J'ai désormais la certitude que quelle que soit la qualité des institutions, si on laisse libre cours aux inégalités au sein d'une société, les conditions seront tôt ou tard réunies pour que le système politique se mettent exclusivement au service des puissants. J'ai bien conscience que c'est inévitable dans une certaine mesure mais je parle d'un degré d'asservissement où des millions de citoyens peuvent financièrement se tirer une balle dans la tête (subprime) sans que le gouvernement n'intervienne. Je parle d'une inféodation des médias et du politique à l'économique qui fait régner le silence alors qu'on saigne ostensiblement à blanc les tranches de la population les plus faibles économiquement en faisant courir un risque systèmique à l'ensemble de la société. C'est vraiment du lourd. Pas une bête "amitié" entre un patron de chaîne de télé et un Président qui se rendent mutuellement des services (même si je n'ai guère de sympathie pour cette dernière non plus). Autrement dit, si on lâche totalement la bride aux élites, elles n'auront de cesse d'augmenter leur part du gateau économique jusqu'à contrôler totalement le processus politique. On peut alors parler de ploutocratie ou d'oligarchie. C'est en tout cas un pouvoir absolu qui, sans surprise, "corrompt absolument" et ce que nous vivons aujourd'hui en est la conséquence mécanique.

Alors quoi? Suis-je devenu dirigiste? Collectiviste? Ecologiste? Pas vraiment. Je suis devenu plus suspicieux envers les idéologies et les intérêts qu'elles servent, c'est certain. Je crois que l'expérience américaine de ces dernières années est une aberration de laquelle nous devons apprendre. Je crois qu'on doit incriminer une corruption généralisée et un manque de civisme au sein des élites américaines. Je ne crois pas qu'on puisse faire un procès similaire aux élites françaises (rassurez-vous, je suis pour leur reprocher énormément de choses aussi, je leur épargne juste ce procès là...). La corruption doit donc être prise au sérieux. Il ne s'agit pas simplement de moquer Julien Dray ou de s'amuser des dérives d'un potentat local. Les Etats-Unis prouvent que si la corruption se généralise dans l'environnement politique et médiatique, elle peut mettre en risque l'équilibre de la société.

Il faut donc prendre des mesures pour la tenir en respect. Le lobbying doit être limité au strict minimum (pour que les lois bénéficient quand même d'un avis technique) mais les arbitrages économiques doivent appartenir aux représentants du peuple. Le financement des campagnes électorales doit être encadré de manière obsessionnelle: on ne limitera jamais assez le rôle de l'argent dans le processus démocratique. Les inégalités ne doivent jamais atteindre des niveaux qui permettent à un nombre restreint d'individu de littéralement "se payer des lois" comme les tax cuts pour les plus aisés aux Etats-Unis sous Bush. Il faut également proscrire la possibilité de donner de l'argent exonéré d'impôts à des "charities" ou interdire à ces dernières toute activité de lobbying politique. Sinon, l'Etat subventionne sa propre subversion (comme lors du sauvetage des banques).

Si nous étions aux Etats-Unis, j'ajouterais qu'il faut également une révolution morale et citoyenne. L'appauvrissement inouï que connaissent un grand nombre d'américains aujourd'hui est la conséquence directe de l'enrichissement tout aussi inouï d'un petit nombre d'entre eux depuis quelques années. On ne le dit pas encore beaucoup parce que c'est "divisive" et qu'Obama le cache plus ou moins bien derrière son sourire de star mais c'est un fait ("An Inconvenient Truth" dirait Al Gore...). Peut-être qu'American Idol suffira à faire passer la valda mais je n'en suis pas si sûr (la formule consacrée est d'ailleurs "du pain et des jeux", les jeux n'ont jamais satisfait le peuple à eux seuls et c'est précisément le pain qui est en jeu en ce moment).

Cette crise n'est pas une crise du capitalisme si on définit celui-ci comme le moteur du développement économique du monde non-communiste depuis la révolution industrielle. C'est une crise politique liée à la subversion de la démocratie américaine par des intérêts économiques privés. On savait que cela pouvait arriver dans des pays pauvres, on sait désormais que cela peut arriver également dans la première puissance du monde.

Finalement, je n'ai aucune envie d'adhérer à un "isme" quel qu'il soit. Je suis surtout enthousiasmé à l'idée que nous ayons devant nous une glasnost technologique avec l'avènement de l'internet. Devant les difficultés économiques que nous avons devant nous, les enjeux politiques vont à nouveau prendre un rôle central dans la vie des citoyens et ils vont réaliser avec bonheur qu'ils n'ont jamais eu autant de moyens de peser sur la vie politique. Je crois donc que le débat est lancé. A cause de l'internet, je dirais même que le débat va décoller (il ne faut d'ailleurs pas que j'oublie le Friday Plane Blogging). Je suis persuadé que les formes politiques passées vont être transfigurées par l'internet. La démocratie est pour moi similaire au communisme en cela qu'elle est un objectif vers lequel on tend mais que l'on atteint finalement jamais. Il n'y a qu'à regarder TF1 ou examiner le traitement dans les médias de la loi HADOPI pour comprendre ce que je veux dire. Nous avons vécu jusqu'à aujourd'hui dans des sociétés où les centres de pouvoir pouvaient relativement facilement contrôler le discours sur les sujets qui les concernaient (l'idéologie néolibérale n'était finalement que cela: un discours au service d'un pouvoir). Ce contrôle va être de plus en plus difficile et le blogo entend bien apporter sa modeste pierre à ce nouvel état de faits réjouissant.

* Je dis que c'était "peut-être" le cas car je pense que les Etats-Unis auraient pu continuer encore longtemps sur la lancée de leur modèle de domination si le 11 septembre n'était pas venu accélérer la chute d'un empire dont le destin était de toute façon scellé à terme par le faible poids démographique de son centre (2030? 2050?). L'empire américain aurait sans doute pu enterrer Emmanuel Todd s'il avait été géré "en bon père de famille". Au lieu de cela, les multiples guerres entreprises depuis ont forcé à lâcher la bride sur la politique monétaire ce qui a finalement causé la crise que nous connaissons aujourd'hui. Ce résumé paraîtra sans doute un peu sommaire mais la réalité de cette séquence d'évènements est une évidence selon moi et j'aurais l'occasion d'y revenir sur le Blogo.

Plus de chômage aux US qu'en Europe

Ca n'est pas arrivé depuis un moment. A noter que l'on compare probablement deux choses différentes en raison des méthodes appliquées de part et d'autre de l'Atlantique pour ces chiffres mais c'est quand même à relever. (Graphe du NYT via The Big Picture)