lundi 17 novembre 2008

L'€ sur le point d'être "stress-testé"

J’étais personnellement pour une zone Euro limitée dans un premier temps aux signataires du Traité de Rome capables de respecter les critères de Maastricht (excluant donc l'Italie et sa dette publique largement supérieure à 60% du PIB). En effet, la monnaie est affaire de crédibilité et la crédibilité de l’Euro s’était faite en grande partie sur le dos des français au début des années 90. Notre économie a payé durement (par une croissance moindre) notre volonté de persuader les marchés que notre sort monétaire était irrémédiablement lié à celui des allemands.

Dans une zone Euro large, d'autres pays qui n’avaient pas fait des sacrifices de l’ampleur de ceux demandés aux français pour s’arrimer au train monétaire allemand devenaient des "free-riders" de la monnaie unique. J’étais pour qu’il y ait de nombreux pays admis dans la zone mais j’aurais aimé un ticket d’entrée plus cher. Je pensais que ceux qui y rentreraient facilement en sortiraient tout aussi facilement, créant la confusion et portant atteinte à la crédibilité de la monnaie. Je dois bien reconnaître que ma vue était assez étriquée et que le pari d’un euro large a eu des résultats exceptionnels. Si chaque jour sans accrocs compte dans l’établissement d’une nouvelle monnaie, l’euro a connu une période de calme qui semble avoir permis au ciment de prendre solidement.

On doit cependant noter que la solidité de l’euro n’a pas encore été « stress-testée » par une grave récession (j'exclus la récession liée à la "tech bubble" artificiellement "avortée" par Greenspan en 2001). Nous y sommes: l'euro fait face à une crise financière extrêmement grave qui engendre/va engendrer une récession majeure. C’est donc l’heure de vérité. Il y a deux solutions, soit un approfondissement de la collaboration économique en Europe, soit une dislocation de la zone euro (avec je l’espère quoi qu’il en soit une permanence de l’axe France-Allemagne-Bénélux en matière monétaire). Je serais étonné si, la crise passée, les structures de la monnaie unique étaient inchangées dans un sens ou dans l’autre. Déjà, la dette des pays les plus petits et les plus faibles de la zone euro voient spreads qui s'écartent plus vite que ceux du noyau central. Les grands pays historiquement "responsables" doivent-ils se porter caution du système? Peut-on concevoir un système d’émission de dette centralisée à taux unique qui ferait perdre encore plus d’autonomie aux gouvernements nationaux ? Comment faire respecter « la loi et l’ordre » au sein d’une telle structure ?

Nous ne maîtrisons pas le niveau de stress qui va être imposé à l’économie mondiale et à ses différentes régions mais il est fort à parier qu’il va être supérieur à ce qu’on peut imaginer aujourd’hui. Gel des avoirs bancaires ? Contrôle des prix ? Contrôle des changes ? (Rationnements ? Emeutes ? Loi martiale ? Guerre thermo-nucléaire globale?...) Le pire n’est jamais sûr mais l'individu qui prétend
aujourd’hui qu’il sait où et quand cette crise s’arrête est un menteur ou un illuminé. Il n’y a qu’à voir combien de « commentateurs » (dûment désinformés par le FT, The Economist et le WSJ) nous promettaient le désastre actuel il y 18 mois pour s’en persuader. Alors non, l’Euro ne pourra pas résister à tout (dans sa forme actuelle) et espérons qu’il ne sera pas stressé « jusqu’à destruction ».

S'il s'affaiblissait trop comme il en prend la direction (surprenante) depuis le mois de juillet, on pourrait probablement compter sur les responsables de la zone dollar pour le déstabiliser encore plus. L'euro n'est en effet pas seulement un élément de souveraineté pour les pays qui l'ont adopté mais bien potentiellement une limite à l'irresponsabilité de la FED. Son succès ne peut se faire à terme sans diminution du "privilège exorbitant" que le dollar constitue pour l'économie américaine tant qu'il reste monnaie de réserve mondiale. Cela ne concerne d'ailleurs pas que les européens. Le monde entier bénéficiera d'une concurrence entre monnaies. L’Euro, même s’il détrônait le dollar, ne pourrait jamais être géré avec le « begnin neglect » que les américains revendiquent ("le dollar, cest notre monnaie et votre problème" ), pour la bonne raison qu’il n’éclipserait jamais totalement le dollar.

Dans cette crise, deux pratiques du central banking s’opposent. D'un côté la BCE, héritière de l'inflexible Bundesbank avec des objectifs clairs mais affaiblie par la jeunesse de la zone euro et la diversité de ses pays membres (sans compter la difficulté qu'elle semble avoir à déterminer sa politique indépendamment de celle des américains). De l’autre la gestion baroque de la FED avec assez d'objectifs différents pour n'en avoir finalement aucun et ne rendant de compte à personne (et maintenant, on peut vraiment dire plus personne à part Wall Street). Non contente d'être à l'origine des maux de l'économie mondiale avec sa politique de taux bas, la FED se comporte comme un bandit en cavale prêt à n'importe quoi pour prolonger son impunité. La logique voudrait donc que l'Euro sorte gagnant de cette crise. Malheureusement, rien n'est sûr comme le montre les évolutions de cours récentes.

Le chant du cygne des vieux médias

L'action du New York Times était juste en dessous de $50 en 2004. Trois ans plus tard, au plus haut du marché (octobre 2007), elle était à $20. Elle n'est plus qu'à $7 aujourd'hui. Après 112 ans de contrôle, la famille actionnaire s'essoufle.

Qu'allons-nous faire quand la crise aura porté le coup fatal à nos "journaux de référence"? Je ne sais pas pour vous mais moi, j'ai plutôt ça en tête.