lundi 16 mars 2009

La Socgen peut remercier le contribuable américain

Sur un total de $105 milliards versé à des contreparties, le sauvetage d'AIG a bénéficié à hauteur de $13 milliards à Goldman Sachs, plus gros bénéficiaire (chiffres AIG via Bloomberg). On pouvait supposer que des banques étrangères avaient bénéficié du sauvetage mais il se trouve qu'en position deux et trois parmi les récipiendaires, on trouve la Société Générale et la Deutsche Bank pour $12 milliards chacune!

Je me demande:
1) Pourquoi ces informations que la Fed refusait de dévoiler ont fait l'objet d'une fuite* d'AIG? Cela a-t-il à voir avec la polémique sur les bonus des dirigeants d'AIG? Est-ce un chantage de la direction d'AIG au monde financier: "Si vous n'êtes pas solidaires avec nous sur nos bonus, on dévoilera toutes les infos que vous préfèreriez confidentielles". Ce serait marrant: un début de dissension au sein du monolithe bancaire qui pourrait entraîner la fin de l'omerta sur certains aspects du "bailout plan". Les banques ont clairement intérêt à rester soudées mais ne serait-il pas moral que l'avidité exacerbée qui les unit finisse par causer leur perte? Nous n'en sommes pas là.
2) Comment les américains vont-ils prendre le fait que les choix de leurs représentants politiques les conduisent à donner des milliards à des banques étrangères dans le seul but de préserver un pouvoir financier qui n'a de cesse de les plumer?
* Ce que j'appelle une fuite est en fait un communiqué de presse...

Irréel: JPM joue au casino avec l'argent des autres

(cette news a deux semaines déjà, j'ai un peu tardé avant de faire le post)

Alors que l'année 2008 a été exécrable pour Wall Street dans son ensemble, JP Morgan a annoncé un profit de $5 milliards sur ses trades de dérivés de crédit. Revoilà donc une fois de plus des golden boys qui ont été plus plus intelligents que tout le monde et qui méritent à la fois gloire et richesse. A n'en pas douter, l'équipe de Matt Zames va être rémunérée à la hauteur de ses performances.

Il y a cependant un problème. Avant septembre 2008, si JP Morgan faisait de mauvais trades, elle aurait subi le sort de la Barings (coulée par Nick Leeson). La faillite était la sanction naturelle qui incitait les banques à ne pas laisser leurs trading desks faire n'importe quoi. C'est fini. Les oligarques américains ont créé depuis septembre 2008 un nouveau concept: la banque insubmersible car recapitalisée au fil de l'eau de manière illimitée par le contribuable.

Le "bailout plan" (TARP) et les interventions de la FED ont rendu le système bancaire de fait irresponsable. Dès lors, la prise de risque qui a permis ces $5 milliards de profits s'est faite aux dépens du contribuable. De plus, ces trades n'ont payé que parce que le même contribuable a empêché les contreparties de JP Morgan de faire faillite... La "banque-en-faillite-et-soutenue-par-l'Etat" A a fait $5 milliards de profits sur le dos des "banques-en-faillite-et-soutenues-par-l'Etat" B, C et D. Ce serait drôle si ça n'était pas tragique*. Les grandes banques de la place sont désormais comme des joueurs dans un casino qui ne jouent pas leur argent mais auxquels on donne des jetons en leur disant qu'ils peuvent jouer et garder les profits. Les banques avaient déjà du mal à contrôler leurs traders quand elles risquaient vraiment d'y laisser des plumes mais maintenant qu'elles vivent dans l'irresponsabilité la plus totale, on se demande bien ce qui va pouvoir instiller un peu de "fear of god" sur les marchés.

C'est ce que Jim Rogers dit depuis le début de la crise: empêcher les banques de faire faillite n'est pas seulement révoltant d'un point de vue moral, c'est aussi créer un précédent dont les conséquences sont forcément incalculables et désastreuses à moyen terme. Des banquiers qui savent qu'ils ont le droit de "lever l'impôt" en cas de difficultés seront beaucoup plus difficiles à contrôler et infiniment plus toxiques que des banquiers qui sont persuadés que le moindre écart sera impitoyablement (et logiquement) sanctionné par une faillite. A noter que ces banquiers (qui avaient en principe peur de la faillite) se sont déjà révélées extrêmement toxiques. Etait-il vraiment nécessaire de leur enlever toute raison de s'inquiéter?

Après l'échec pitoyable et grotesque de la banque 1.0, voici donc la banque 2.0: la banque sans risque. Devant l'incapacité des banques à gérer leurs risques, le contribuable compatissant a décidé de les abolir. Et puisqu'en plus d'être compatissant, notre contribuable est généreux, il n'a absolument rien demandé en échange.

* Et please, dans le contexte actuel, interdisons le "prop trading" dans ces institutions. Il y a quand même des limites au ridicule. Mais pour cela, il faut na-tio-na-li-ser. Cela rejoint l'appel précédent du Blogo à l'interdiction des CDS. Et aussi l'appel à l'annulation des CDS existants. J'imagine que certains lecteurs ouvrent de grands yeux mais nous y arriverons, je ne vois pas d'autres solutions. Si vous en avez, vos commentaires sont les bienvenus.

Note: Pour les CEOs de banque vraiment anxieux, l'assurance tout risque contre la faillite semble être de faire massivement des trades pourris avec GS. Devoir énormément d'argent à GS est la meilleure garantie de voir l'argent du TARP se déverser sur votre institution à coups de dizaine de milliards de dollars.

Où l'on reparle de Judith Miller

J'ai déjà évoqué sur le blogo le peu de considération que j'avais pour Judith "aluminium tube" Miller, ex-journaliste du NYT qui avait été la propagandiste en chef de l'administration Bush avant (et après) l'invasion de l'Irak. Marc Andreesen, fondateur de Netscape, dit à Charlie Rose dans le clip suivant que la pilule "Judith" n'est pas passée chez lui non plus et qu'il en a conçu une certaine hostilité envers son journal, allant jusqu'à créer un "NYT Deathwatch" sur son blog. Cela convaincra le lecteur que les fixations du blogo ne sont pas si insolites que ça. Voir à partir de 28min50s.

A noter que l'interview est intéressante pour les gens qui s'intéresse à la technologie. Andreesen considère également que les journaux vont disparaître sous peu. Music to my hears.