Si le journalisme est le brouillon de l'histoire, cette introduction de Charlie Rose à son émission "Update on Wall Street" fait vraiment froid dans le dos. Au sujet de JP Morgan et Goldman Sachs:
"Both banks received billions in government TARP loans last year but the funds were recently repaid." Les deux banques ont reçu de l'argent du TARP mais elles l'on remboursé récemment.
Fermez le ban.
JP et GS ont croqué de l'aide gouvernementale mais c'est bien fini. Sous-entendu: on ne peut pas leur reprocher dans le cadre de leurs annonces de résultats mirifiques. Quelle énormité! Quand on voit le "free pass" avec lequel les banques font avaler toutes les couleuvres à l'opinion, on se demande vraiment si ce qu'on a appris sur les crises passées a le moindre rapport avec ce qu'il s'est vraiment passé. Juste pour mémoire (au lecteur occasionel): toutes les banques doivent aujourd'hui leurs survies aux décisions du gouvernement et des banques centrales. C'est vrai depuis septembre et c'est toujours le cas aujourd'hui: si les banques centrales normalisaient leurs pratiques et les Etats supprimaient leurs garanties, tous les banquiers du monde pourraient éteindre leurs ordinateurs et rentrer chez eux dans la minute. Derrière les Etats, il y a les citoyens et surtout les contribuables. Les banquiers, non contents d'avoir planté leurs concitoyens une première fois en soudoyant les hommes politiques pour qu'ils autorisent des pratiques grotesquement frauduleuses, passent une seconde couche en leur extorquant des fonds publics pour pouvoir continuer à réaliser des profits factices. C'est sans conteste, de très très très très loin, le transfert de richesse le plus choquant de l'histoire et cela n'émeut pas plus que cela les journalistes des vieux médias...
Les invités de Charlie Rose sont cette fois Floyd Norris du New York Times et Dennis Berman du Wall Street Journal qui s'acquittent tous deux fort bien du cirage du pompe au système bancaire qui est ce pour quoi ils sont payés. Jusqu'à Berman qui finit par dire quelque chose dans le goût: on a tellement joué de malchance que là, vraiment, il serait normal que quelques choses aillent un peu mieux quelques temps (autour de la 22ème minute). Evidemment, la malchance n'a rien à voir à l'affaire. On ne sait pas s'il est vraiment idiot ou simplement menteur. A noter que Floyd Norris semble s'être abonné à la newsletter de Nouriel Roubini puisqu'il mentionne l'information selon laquelle la production d'électricité baisse en Chine et pas la croissance (vue dans le dernier "Post-It"). Ces hommes liges des banques commencent donc à s'informer sur les blogs et les sites sans légitimité historique, avant d'être balayés (espérons-le) par cette nouvelle concurrence.
Pour finir en apothéose, regardez la dernière minute où ces trois abrutis se donnent des airs importants en faisant des allusions au fait que "si vous voulez survivre dans le monde d'aujourd'hui, il faut avoir des contreparties importantes" (wink wink - clin d'oeil entendu). Ils font clairement allusion à la différence de traitement entre AIG et CIT, l'un ayant bénéficié d'être une contrepartie essentielle de GS. C'est effectivement intéressant mais pourquoi ces clins d'oeil entendus sans même citer les noms des sociétés dont ils parlent? C'est comme s'ils nous disaient: nous savons bien que le système est complètement pourri mais nous ne pouvons pas en parler et ça nous fait bien rigoler. WTF?
Et c'est le meilleur talk show aux US... A noter que l'émission est sponsorisée par Bloomberg et accessoirement tournée dans la tour Bloomberg à Manhattan. Il y défile à peu près tous ceux qui comptent dans la société américaine (et de temps en temps quelques étrangers, j'y ai vu Villepin, Sarkozy avant son élection et BHL par exemple). C'est le porte-voix des élites et il est donc normal que quand les élites faillisent collectivement, le show en pâtisse. Charlie Rose ne laisse pas transpirer ses inclinations politiques mais après des années de visionnage soutenu, j'ai échaffaudé qu'il était à la gauche du centre (!). Comme tout bon journaliste des vieux médias, il semble avoir une conscience très vive du côté sur lequel sa tartine est beurrée et il ne commet jamais d'impair. Les invités sont très respectueux, certains avouent: "je n'en reviens pas d'avoir été invité chez vous". En retour, ils ne sont jamais mis en difficulté. Tout cela reste toujours très civil, un talk-show entre "gens de bien". Quand une partie des "gens de bien" se met à voler et à tuer impunément, c'est un peu court.
mardi 21 juillet 2009
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