lundi 15 février 2010

Les services secrets espagnols, le triptyque et la dette souveraine dans la zone Euro

Je dois croire Zerohedge sur parole car je ne parle pas espagnol mais il paraît que cet article d'El Pais dit que les services secrets espagnols travaillent sur l'hypothèse d'une conspiration d'investisseurs et d'organes de presse (anglo-saxons semble-t-il) contre l'Euro.

C'est un thème récurrent du blogo. La manière dont des talkings points déboulent dans l'environnement médiatique est parfois étrange. On nous explique par exemple un beau matin (au printemps dernier, souvenez-vous) que l'Europe de l'Est est le "subprime européen" et on en mange pendant des semaines sans que cela n'aboutisse à quoi que ce soit (et nos médias de reprendre ça en boucle non-stop...). Le bullshit detector du blogo était dans le rouge et, comme souvent, il y avait des raisons. Il y a un monopole anglo-saxon sur l'information économique (et d'ailleurs sur la théorie économique également - qu'est-ce qui, encore aujourd'hui, représente une alternative au néolibéralisme anglo-saxon des 30 dernières années?) et la notation (oui, je sais, Fitch n'est pas américain mais que pèse Fitch réellement face à Moody's et S&P?), il faut en tirer des conséquendes à moyen et long terme mais aussi à très court terme dans la gestion des remous actuels. Et il va falloir faire avec les moyens du bord car la crise est désormais une affaire de perception. Tout le monde est plus ou moins en faillite et il est certain que si les Etats-Unis flanchaient (lire le dollar), ils mettraient tout en oeuvre pour que la zone euro tombe plus bas, plus vite. Le blogo met en garde depuis longtemps contre la vulnérabilité intrinsèque de l'Euro (elle existe en raison des faiblesses structurelles de la monnaie unique qui ne sera pas achevée tant qu'un mécanisme de résolution des crises en béton armé ne sera pas mis en place) mais aussi sur sa vulnérabilité extrinsèque face à des tentatives d'affaiblissement orchestrées potentiellement par les agences de notation américaines ou d'autres organes qui pourraient tenter(/qui tentent) de détourner l'attention de la situation gravissime aux Etats-Unis. Il faut que les pays européens identifient rapidement les pourvoyeurs d'informations politisées et qu'ils les débusquent au fur et à mesure. La prise de conscience espagnole est donc la bienvenue.

On fait des alertes "orange" sur la neige et le froid, il ne serait pas très sorcier de discréditer en temps réel les articles à sensation de tel ou tel journaliste du triptyque (FT, The Economist, WSJ). Ce sont toujours les mêmes (Yes, Ambrose Evans-Pritchard, I'm looking at you!). Le problème, c'est que cela implique qu'on rentre officiellement dans l'ère de la méfiance ostensible envers les américains et nous n'en sommes pas encore là. Le plus tôt sera le mieux.

A la réflexion, cela ne serait pas très compliqué: il suffirait d'un communiqué systématique de la BCE face à ce genre de manoeuvres qui cite nommément les journalistes impliqués en retraçant leur histoire de "bias" et l'ambiance deviendrait tout de suite plus calme. Je n'ai pas suivi l'histoire grecque de très près (il faut bien dire que j'ai levé le pied, comme vous l'avez peut-être remarqué) mais s'il y a eu manoeuvre, ça ne doit pas être dur à établir. It's time to let the f---- gloves off!

Note: Je ne dis pas que les services secrets espagnols sont sur la bonne piste mais il faut quand même se poser la question suivante: pourquoi maintenant? Quel élément factuel est à l'origine de cette crise (il est possible que cela ait été lié à la décision de la BCE de continuer ou non à prendre en pension les obligations des pays du Club Med ce qui affaiblirait la thèse de la conspiration)? La dette grecque avait-elle un meilleur profil il y a six mois? Si des groupes l'ont déclenché, avaient-il intérêt à ce que soit en janvier 2010? Un "oui" renforce la suspicion, un "non" l'affaiblit etc...
C'est un problème qui se pose sur le démarrage de la crise en 2007. On peut dire qu'elle a été "démarrée" par le downgrade de centaines d'obligations en juin/juillet 2007. Certes, les défauts avaient commencé à augmenter mais pourquoi diable les agences ont-elles pris des mesures aussi violentes qui allaient créer une crise de liquidité dans les semaines qui suivaient? Pourquoi cela a-t-il été préféré à un long enlisement? Est-il possible que le déroulement de la crise (tout inexorable qu'il soit) soit "drivé" dans une certaine mesure par le complexe WaWa (Wall-Street+ Washington)?
Cela a beaucoup été dit aussi pour le bailout: septembre 2008 n'était-il pas le dernier créneau pour que l'administration Bush puisse donner une réelle impulsion dans la direction que prendrait le plan de sauvetage des banques? Certes, on ne peut pas dire que Geithner soit hostile à Goldman Sachs ou a Wall Street mais avec Paulson, les choses ne pouvaient pas mal se passer. On n'est jamais si bien servi que par soi-même.
Food for thought...

Note 2: Reprise de l'article d'El Pais dans le JDD. Le gras est de moi ainsi que l' "expletive" en anglais à la fin.

Economie | 14/02/2010 - 21:02
Enquête sur la spéculation en Espagne

Les services de renseignement espagnols enquêtent pour déterminer le rôle qu'ont joué ces dernières semaines les investisseurs et les médias sur la crise de la dette, rapporte dimanche El Pais. Le journal écrit que le "Centre national de renseignement" (CNI) enquête pour établir si les attaques par des investisseurs et l'agressivité de certains médias anglo-saxons "sont provoqués par les forces du marché et les défis auxquels l'écononomie espagnole est confrontée, ou s'il y a quelque chose d'autre derrière cette campagne". Le ministre des Travaux Publics, Jose Blanco, a affirmé il y a quelques jours que des "manoeuvres assez troubles" étaient à l'origine de la pression des marchés financiers sur l'Espagne. "Rien de ce qui se passe dans le monde, y compris les éditoriaux des journaux étrangers, n'est une coïncidence ou innocent", a-t-il dit.
No Shit!