mercredi 7 janvier 2009

Le blackberry d'Obama

L'exercice de la fonction présidentielle change-t-il avec l'avènement de l'internet? Le président a-t-il une adresse email?

Il paraît qu'un ajustement difficile pour Obama dans son nouvel habit de président a été de renoncer à son blackberry. Comme à l'Elysée au début de la présidence Sarkozy, le blackberry ne semble pas avoir les faveurs des services de sécurité des Etats.

Cela pose la question du rapport des dirigeants avec les nouvelles technologies. Je soupçonne que nous n'avons pas fait un grand pas en avant en cette matière en passant du "mulot" de Chirac (inoffensif) à la charge méthodique de Sarkozy contre les échanges de fichiers sur internet. L'un comme l'autre doivent être incompétents en matière informatique.

L'attachement d'Obama à son blackberry montre un niveau de familiarité différent avec l'internet. Obama est trop vieux pour avoir eu un ordinateur portable pendant ses études. Il est possible qu'il ait eu en revanche un ordinateur fixe comme étudiant à Harvard entre 1987 et 1990. Qui peut dire qu'en 1999, alors qu'il n'avait que 38 ans, il n'ait pas téléchargé de musiques sur Napster?

Il est très probablement comme un poisson dans l'eau sur internet. Il a sûrement ses habitudes, des blogueurs en qui il a confiance. Son engagement politique est très récent, il ne vit "dans une bulle" que depuis qu'il est sénateur (2004). Il a vraiment un côté "sorti des rangs" de la société civile. Peut-on envisager un président partiellement autonome en matière d'information? Un président qui participe à un forum sous un pseudo (il y a un épisode de West Wing où un conseiller du président se prend au jeu de défendre ses mesures directement sur un forum)? Un président qui laisse un commentaire sur un blog?

Sort-on d'une période où le président se contentait des revues de presse compilées par des aides et du "journal de référence" local pour rentrer dans un monde où, s'il y a un débat sur la torture par exemple, le président va directement aller sur le site de Glenn Greenwald parce qu'il sait que ça en vaut la peine? Tous les gens qui utilisent l'internet vont régulièrement sur wikipédia pour vérifier telle date ou se remémorer tel évènement. Obama ira-t-il sur Wikipédia? Cela serait-il dangereux? En sera-t-il dissuadé? Etre président est plus susceptible de confronter quelqu'un régulièrement à son ignorance que beaucoup d'autres professions (surtout pour W, certes). A quand un ordinateur portable sur le bureau de l'Oval Office? Sous le bras d'Obama? Exciting times...

Update: Et qui pourra demander au président d'arrêter de zoner sur internet pendant les heures de bureau s'il en était besoin?

Greenwald se réjouit d'une autre nomination

Dès avant la possible nomination de Leon Panetta comme directeur de la CIA, Glenn Greenwald (blogueur très influent à Salon.com) se réjouissait de la nomination d'un autre adversaire intransigeant de Bush au Office of Legal Counsel.

Il semble que les dernières nominations laissent enfin la place autour d'Obama à des gens qui ne se sont compromis en aucune manière pendant les années Bush et qui sont finalement assez rares. Ces gens inquiètent l'establishment de Washington. Espérons que dans deux ans, plus de radicalité dans les nominations apparaîtra naturelle.

Buffett n'échappe pas à la crise

L'oracle d'Omaha qui se proposait quasiment à lui tout seul de "call the bottom" de la crise (déclarer que la crise avait atteint son plancher) en investissant dans Goldman Sachs en octobre 2008 n'est pas épargné par la crise.

Il fait partie de ces américains qui, quoique prescients sur un certain nombre de causes de la crise, n'ont pas pu se résoudre à tirer l'échelle au système. D'autres investisseurs, comme Jim Rogers, n'ont pas eu cette faiblesse nostalgique. Rogers conseille à qui veut l'entendre de se débarasser des actifs en dollar. Il est parti vivre à Singapour avec ses deux jeunes enfants (pour leur avenir dit-il, depuis quelques années déjà). Buffet semble, lui, américain à la vie à la mort ce qui se comprend tout à fait et ce que le Blogo ne lui reprochera pas. Il faut aussi dire que si quelques centaines de millions de dollars ou même quelques milliards se délocalisent assez facilement, Buffett est tellement plus riche et ses actifs tellement imbriqués dans l'économie américaine que le simple "virement" n'est pas une option. Son romantisme supposé n'en est donc pas nécessairement un.

J'ai une faiblesse pour cet homme, notamment parce qu'en dépit de sa situation, il a été capable de déclarer ça. J'ai toujours du respect pour les gens qui arrivent à exprimer des points de vue qui ne sont pas purement et simplement ce qu'on attend d'eux en cartographiant leurs intérêts. (Il est évidemment plus facile d'éblouïr par sa liberté de ton quand on se trouve dans une telle position de force.)

Meredith is back

Meredith Whitney, analyste star depuis l'automne 2007 quand elle avait déclaré que le roi (Citigroup) était nu, chiffre les provisions à passer par les banques en 2009 à $40 milliards. More fun to come.

A noter qu'elle n'est toujours pas tellement concurrencée sur son credo: la description de la dure réalité.

Crise économique ou crise politique?

Lire cet article (en anglais) pour une petite illustration du rôle de l'argent dans la politique américaine. L'élu est en recherche de fonds permanente. Pour en obtenir, il met son influence "en vente" au plus offrant. Pour toutes les causes et tous les business.

Clinton ici a possiblement fait une faveur à un magnat de l'immobilier commercial, apportant sa pierre au dérèglement économique de la nation et du monde (l'immobilier commercial n'est pas aussi connu que le subprime pour l'instant mais les mêmes mécanismes y ont abouti aux mêmes effets et l'effondrement approche). Ce qu' a peut-être fait Clinton en l'espèce n'est ni spectaculaire ni même probablement illégal. Cela donne simplement une idée de la manière dont les choses se passent dans les deux partis et dans tous les secteurs de l'activité économique.

Ce système de mise aux enchères de l'influence des élus est pour une bonne part légal. On peut supposer que cette partie légale met en place des contacts et des relations qui favorisent l'apparition d'une autre couche de corruption souterraine massive également comme on l'entrevoit ici (via Atrios qui vit à Philadelphie). Chaque élu américain est en fait une grosse PME. Une chose qui m'a frappé est le coût finalement assez modique pour lequel on pouvait acheter de l'influence. Le marché est très liquide.

Il y a un moment dans la vie politique d'un pays où les corrupteurs ont tout à coup assez d'influence pour écrire des lois de financement permettant d'accroître leur influence. Ce point de non retour a été atteint il y a bien longtemps aux Etats-Unis. Les politiciens ne deviennent alors que des pantins ridicules, courroies de transmission de la volonté politique non pas de leurs électeurs mais de leurs donateurs. Une fois que ce mécanisme atteint ce point de non-retour, il s'auto-entretient et se renforce sans cesse jusqu'à ce que le système cède sous le poids de sa propre corruption. C'est là où les américains en sont aujourd'hui.

C'est pourquoi ce que tout le monde décrit aujourd'hui comme une crise économique est en réalité une crise politique et que sa réelle solution passe par une réforme du système politique et plus précisément des lois de financement de la vie publique. Tant que la réforme politique est repoussée, les pansements (encore lucratifs pour certains, les payeurs) aposés sur l'économie (bailout plan) ne seront que l'émanation du même système failli et ne seront pas le produit d'une réelle volonté de réforme.

Cela était évoqué dans le blogo ici. J'ai copié le passage correspondant:
Comment évaluer une présidence Obama alors? Le noeud gordien de la politique américaine est la loi de financement des campagnes électorales. C'est ce système vermoulu qui fait qu'aujourd'hui chaque grand secteur économique écrit lui-même ses lois (on a vu ce que ça donnait dans les mortgage) et que l'intérêt général est perdu corps et bien. Obama peut faire beaucoup de bonnes choses en deux mandats mais pour que son action soit durablement transformatrice, il faut qu'il change radicalement le financement de la politique aux USA.

Change we can believe in!

Je m'interrogeais sur la nomination de Leon Panetta (directeur de cabinet de Clinton pendant 2 ans et demi). Je n'arrivais pas trop à me faire une opinion jusqu'à que je tombe sur Daily Kos sur un article écrit pas Panetta il y a un an:

According to the latest polls, two-thirds of the American public believes that torturing suspected terrorists to gain important information is justified in some circumstances. How did we transform from champions of human dignity and individual rights into a nation of armchair torturers? One word: fear.

Fear is blinding, hateful, and vengeful. It makes the end justify the means. And why not? If torture can stop the next terrorist attack, the next suicide bomber, then what's wrong with a little waterboarding or electric shock?

The simple answer is the rule of law....

Those who support torture may believe that we can abuse captives in certain select circumstances and still be true to our values. But that is a false compromise. We either believe in the dignity of the individual, the rule of law, and the prohibition of cruel and unusual punishment, or we don't. There is no middle ground.

We cannot and we must not use torture under any circumstances.

This is definitely change we can believe in! Go Barack!

Voilà quand même un élément majeur de satisfaction: à un poste qui représentera ses yeux et ses oreilles de président en matière internationale, Obama à placer un outsider (pas un ancien du renseignement) qui n'aura de loyauté qu'envers lui. Qui plus est, un homme qui représente un "clean break" avec les années Bush (contrairement à Clinton et à Geithner). Je vais peut-être apprendre des choses dans les jours qui viennent sur Panetta qui me rendront moins enthousiaste mais cet article a bien été écrit et ça, ça ne changera pas. Champagne!

Les démocrates toujours un peu mous face aux républicains...

Un éditorial de Krugman super déprimant. Vous pensiez que tout allait mal? Et bien c'est pire. Bien pire. Il se base sur la rapidité de la dégradation économique pour catégoriser cette crise dans la classe "possible crise de 29". C'est donc à l'aune de cette dernière qu'on doit essayer d'étudier, de comprendre et de traiter les problèmes actuels. Bonne journée...

Au passage, il est caustique sur le désir des démocrates d'avoir un soutien "bipartisan" pour leur plan de relance:

"News reports say that Democrats hope to pass an economic plan with broad bipartisan support. Good luck with that."

On peut quand même se demander pourquoi après une présidence républicaine désastreuse pour le pays qui se termine dans le chaos le plus total, alors même qu'ils viennent de gagner la présidence et des majorités massives au congrès, les démocrates se comportent comme des enfants qui auraient besoin de la validation de leurs aînés républicains. Non seulement cette validation leur est inutile mais elle va selon toute probabilité leur être refusée quelles que soient les concessions consenties. C'est toujours à sens unique: les républicains n'ont jamais fait de tels efforts de conciliation sous Bush quand ils avaient la majorité (même après 2006, les démocrates devenus majoritaire n'ont jamais vraiment affirmé leur pouvoir...).

Ce complexe démocrate est un mystère de la vie politique américaine évoqué sur le Blogo pendant les élections (surtout vers la fin de ce post). C'est un des résultats de la "révolution conservatrice" entamée sous Reagan qui se termine en ce moment.