jeudi 18 février 2010

Martin Wolf extends and pretends

Martin Wolf signe un oped dans le FT en réponse à un article très négatif sur les Etats-Unis de Niall Ferguson la semaine dernière. Martin Wolf (symbole de la raison et de la mesure dans le commentariat économique, façon "The Economist") semble avoir un parti pris sur la question. Par exemple, il corrige les chiffres de dette en pourcentage du PIB de Ferguson en s'appuyant sur les projections de la maison blanche sans préciser que ces dernières se basent sur un compteur de croissance bloqué magiquement à 4% par an pour le futur prévisible. WTF?

Wolf valide les politiques menées jusqu'ici en affirmant que la priorité est de "soigner le secteur privé". Le problème de la thérapie entreprise jusqu'ici, c'est qu'elle se base sur des soins palliatifs et non curatifs. Pour soigner le secteur privé, il faut tailler dans le (plus ou moins) vif et notamment vider l'abcès financier qui a démontré sa toxicité (20% du PIB contre 10% historiquement et 40% des profits avant la crise au lieu de 20% historiquement). Alors oui, la vie semble à court terme plus confortable que si nous étions passés au bloc opératoire mais le système est toujours aussi profondément dysfonctionnel. De plus, si ces mesures palliatives semblent fonctionner, elles permettent surtout aux élites de vivre comme si de rien n'était mais le corps social est loin d'être épargné même si on le maintient pour l'instant en deçà du niveau de la révolte.

D'ailleurs, les mesures palliatives n'ont pas été prises pour épargner la population, elles ont été prises pour maintenir en place une structure de pouvoir faillie. C'est ce qui explique leur radicalité (basculement dans une économie "Alice in Wonderland"). Martin Wolf tombe donc lourdement du côté du "extend and pretend" (faire durer et faire semblant) qui sert si bien Wall Street. Pas de doute, il s'agit bien du triptyque.

Tant qu'on y est cet édito édifiant de "The Economist"
. Vous croyiez qu'il y avait un problème à Washington DC? Réponse de "The Economist" (and I quote): "We disagree." On ne peut pas être plus clair. Je n'avais rien lu de "The Economist" depuis longtemps mais j'ai été piégé par une couverture aguicheuse: "What's gone wrong in Washington" avec en couverture la statue de Lincoln la main sur le front en signe de consternation. Il n'y est même pas fait mention de la crise comme une responsabilité de la capitale impériale... Il est clair que dans le contexte actuel, une mémoire n'allant pas au-delà de l'année est ce qu'il y a de plus utile à la power structure. Let's move on...

Lagarde attaque les "anglo-saxons" et ZH attaque Lagarde

Lagarde a dit que six institutions anglo-saxonnes portent une responsabilité particulière dans la spéculation contre la Grèce.

Et Zero Hedge attaque Lagarde en parlant de "chasse aux sorcières". ZH est en général beaucoup plus ouvert que ça aux "conspiracy theories" en tout genre. Ne disaient-ils pas hier qu'ils avaient la preuve de manipulations de la Bank of England et de la FED de New York sur le marché de l'or dans les années 30 et que ces manipulations pouvaient laisser présager des manipulations similaires et très graves dans la période présente?

On se demande bien pourquoi ils n'accordent pas à Lagarde le bénéfice du doute quand elle émet une hypothèse qui semble à la fois plausible et plus facile à démontrer que l'assertion précédente. Et l'argument mis en avant? "Lagarde ne devrait pas critiquer le libre fonctionnement des marchés mais s'intéresser plutôt à tous les problèmes de la Grèce". C'est d'une faiblesse inouïe: ZH passe son temps à disputer le libre fonctionnement des marchés! Il n'y a de toute façon plus un seul "free-market" réel sur la planète finance. Sans la garantie d'absolument tout par les Etats, tout serait à zéro. "Inconvenient truth" que ZH répète à longueur de posts. Whatever...

Etrange de voir un site qui a fait du scepticisme son fonds de commerce prendre fait et cause a priori pour des banques US sur un sujet qui inviterait tout observateur de bonne foi à la prudence. En invoquant de plus une infaillibilité des marchés qu'ils contestent par ailleurs en permanence. C'est important car si je suis comme beaucoup accro à ce site, cela ne m'empêche pas de garder une certaine méfiance envers ZH et son succès fulgurant. J'ai du mal à comprendre comment le site a pu proposer aussi vite un tel contenu. Si tout cela est financé avec des pubs Google, chapeau bas mais cela me paraît un peu optimiste.

La capture d'un média, si elle est faite intelligemment, ne consiste pas à lui faire répéter la ligne du parti en permanence. Il suffit d'être sûr qu'il dira ce qu'il faut au moment où ça comptera. Il peut même être utile pour des banques de créer de toute pièce un site contestataire qui développe un discours séduisant pour un public excédé mais dont les frontières sont très précisément limitées. Et qui peut donner par exemple un coup de main discret si un jour une opération de spéculation contre un petit pays est engagée... Rappelons que nous savons très peu de choses de ZH, les contributeurs sont anonymes, on ne sait pas qui finance. Ce qu'on sait, c'est que tous les jours, de plus en plus de gens lisent le site et prennent pour argent comptant la posture dissidente de ce blog.

Un détournement "UIMM style" (un organisme travaillant officiellement pour X contre Y qui travaille en fait pour Y) ne serait même pas machiavélique. Simplement standard. Et si cela n'était pas vrai à l'origine (que ZH travaille pour les banques), devant l'aura grandissante du site, la tentation pour les banques de le "retourner" devient énorme et elles en ont probablement les moyens. En effet, pourquoi les contributeurs de ZH ont-ils choisi l'industrie financière initialement?

On en revient donc au classique mais néanmoins désespérant: "Trust no one". C'est un mode de vie inconfortable mais le blogo ne vous a jamais dit que ça serait facile!

Pourquoi le UK achète-t-il tant de treasuries?

C'est vraiment un mystère pour moi. Surtout dans sa situation financière. (graphe de ZH)Note: Il semble que UK dans les stats puissent être un faux-nez pour des achats chinois... (via Naked Capitalism)