A la mi-décembre, le Times de Londres (une publication qui s'était déjà distinguée par sa propagande pro-guerre en 2003) a produit un document supposément d'origine iranienne sur la production de détonateurs d'armes nucléaires qui était selon toute probabilité un faux. Il avait alors fait son petit tour de piste dans les médias occidentaux (comme il est coutumier) avec évidemment aucun rectificatif quand le document a été plus tard discrédité. Standard Operating Procedure (le NYT en avait fait état largement mais très prudemment).
J'avais donc peur que l'affaire iranienne ne se présente comme l'Irak avec des éléments mensongers et/ou exagérés mis en avant par les occidentaux et qui n'emportent finalement jamais la conviction du citoyen attentif et de bonne foi. Je craignais des éructations occidentales jamais décisives et de plus en plus virulentes qui auraient pu ressembler à ce genre de chose:
Hans Blix:
"We got tips not only from the UK but from other intelligence, the US as well, so perhaps some 100 all in all.
"We had time to go to about three dozen of these sites and in no case did we find any weapons of mass destruction."
He added: "We said if this is the best (intelligence), then what is the rest? Doubts arose from that."
Les occidentaux vont rapidement se retrouver dans une situation similaire en Iran. Sur quoi les iraniens sont-ils en infraction et acceptent-ils ou non que cela soit contrôlé? Si les iraniens acceptent que leurs installations soient contrôlées comme récemment avec le site de Qom, comment les occidentaux vont-ils trouver un casus belli? Si le programme nucléaire militaire supposé n'est qu'un prétexte au changement de régime et à la destruction de l'Iran comme puissance régionale, vont-ils être obligés de faire ce qui avait été décrit dans le "Downing Street Memo" au sujet de la guerre en Irak comme "The intelligence and facts were being fixed around the policy". (Les faits et le renseignement étaient manipulés pour coller à la politique [de "regime change"].)Le Blogo voulait donc éviter à ses lecteurs d'être à nouveau roulés dans la farine le cas échéant. Et bien la bonne nouvelle, puisque c'est le titre du post, c'est que cela n'arrivera pas. D'après Al-Hayat via Haaretz, Sarkozy est sûr de son coup:
According to the report, Sarkozy, who recently met with Lebanese Prime Minister Saad Hariri, reportedly told him that France has proof Iran is working to develop an atomic bomb.
Cette fois-ci donc, "no worries", les preuves existent. J'ai toute confiance dans mon gouvernement pour les sortir le moment venu et contraindre des iraniens honteux à démanteler leurs infrastructures nucléaires militaires illégales ou les détruire par la force s'ils s'y refusaient.
C'est un peu dur de nous faire lanterner et on aimerait bien savoir quelles sont ces preuves et ce que les iraniens vont bien pouvoir trouver à répondre. En même temps, le fait qu'on repousse l'exposition de ces preuves montre que l'on a pu évaluer avec une certitude absolue que ce programme militaire nucléaire n'était pas une menace à très court terme. Nous en connaissons donc non seulement l'existence mais également, de manière certaine, le degré d'avancement. Autant dire que ce programme nucléaire militaire n'a pas de secret pour nous. J'ai hâte de savoir! J'ai hâte de savoir!
Quel soulagement de penser que cette fois-ci, tout sera clair et que je n'aurais aucune réticence à ce qu'on bombarde l'Iran. En effet, le lecteur ne s'en rend peut-être pas compte mais il est un peu pénible d'être toujours le rabat-joie qui n'est jamais content. Cette fois-ci au moins, convaincu par les preuves françaises, je serai "totally on board". Je vais dormir sur mes deux oreilles.
(Pour le lecteur inattentif, il y a une pointe d'ironie dans les trois derniers paragraphes.)
Note: Ce post repose en grande partie sur la supposition que les propos prêtés par Al-Hayat a Sarkozy ont bien été tenus. J'ai cependant l'impression de l'avoir déjà entendu dire des choses approchantes peu avant la révélation par l'Iran de l'existence du site de Qom.
Note 2: Il y avait deux volets dans la propagande pro-guerre en Irak. La menace était grotesquement exagéré mais le coût et les risques de la guerre étaient grotesquement sous-estimés. De même pour l'Iran, il faut faire attention à ce qu'on nous raconte sur la menace mais également sur les conséquence d'une intervention. Si le programme nucléaire existe (je ne sais pas pourquoi je dis "si" après ce qu'a dit Sarkozy...), il est moins évident qu'on ne le dit que les bombardements soient une réponse efficace. Pareillement, les risques de réaction et de réverbérations régionales majeures sont complètement sous-estimés.