mercredi 21 janvier 2009

Obama Président

C'en est donc fini du règne du SPECTRE sur les Etats-Unis et tout le monde se sent tout à coup plus serein.

J'avais mis en garde sur le risque que Bush n'amnistie une ribambelle d'escrocs et de collaborateurs qui avaient commis des crimes en son nom. Cela ne s'est pas passé. Bush a exercé son droit de grâce avec mesure pendant tout son mandat et a été fidèle à ce principe jusqu'à la fin. Doit-on l'en féliciter? Certains disent dans la blogosphère que gracier son entourage aurait été se tirer une balle dans le pied pour Bush en raison du 5ème amendement à la constitution qui pose qu'un justiciable ne peut pas être appelé à témoigner contre lui-même. Les graciés éventuels auraient été libres de témoigner contre Bush car ils n'auraient pas été menacé eux-mêmes par leurs aveux. En revanche, des justiciables classiques se réfugieraient derrière le 5ème amendement et ne parleraient pas ce qui maintiendrait une chape de plomb sur ces procédures. Le droit de grâce n'est de toute façon pas utilisable pour immuniser contre des poursuites futures (je crois) donc cet argument me semble un peu creux. Dieu sait que je n'aime pas Bush mais je préfère m'en tenir à ses actes et lui rendre cette justice: il n'a pas abusé dans ses dernières heures de la grâce présidentielle comme je le redoutais.

Et le discours d'Obama que je pensais être un moment de vérité? Tout d'abord, je me suis trompé: je pensais que le discours de l'inauguration était similaire à un "Discours sur l'Etat de l'Union" avec un niveau de détails plus important (trois fois plus long) et un caractère programmatique. Il s'avère qu'il n'y a en général pas de State Of The Union Address les années où un nouveau président est inauguré (il peut y avoir quelque chose de similaire). Donc mes attentes n'étaient pas raisonnables quand j'ai écrit ça. Néanmoins, Obama a clairement placé sa présidence sous le signe de circonstances exceptionnelles (crise économique et engagements extérieurs). Il a replacé les Etats-Unis dans leur tradition historique et dénoncé en creux la présidence W comme une aberration. Je me réjouis de l'abandon apparent de la rhétorique absolument horripilante, orwellienne et stupide sur la "War on Terror" (pourquoi pas une "war on Error" comme le suggèrait Stephen Colbert?). Pour ce qui est de la mise en accusation de la "power structure" (doublement faillie, doit-on le rappeler? guerre et crise éco) on repassera. Tout le monde à Washington a dormi sur ses deux oreilles.

Alors, oui, un appel à reconstruire l'Amérique un peu comme si on appelait à reconstruire la Nouvelle Orléans après Katrina: "il faut se retrousser les manches et faire preuve d'optimisme car on est américain après tout". Mais sur le pourquoi de la crise économique et d'éventuels défauts dans la structure du pouvoir, absolument rien. Ah si ça:
Our economy is badly weakened, a consequence of greed and irresponsibility on the part of some,
Aussitôt mitigé par ça:
but also our collective failure to make hard choices and prepare the nation for a new age.

Autrement dit: y a peut-être bien des responsables quelque part mais ce qu'on va faire, c'est tous se retrousser les manches car c'est un peu notre faute à tous aussi. L'appel à l'effort et au sacrifice n'est évidemment jamais détaillé dans ce pays où une seule chose est plus appréciée qu'une tax cut, une tax cut plus importante*. Et la caravanne passe.

No revolution in sight. Obama ne semble pas vouloir s'appuyer sur son aura et sa popularité incroyable pour donner un coup de pied dans la fourmilière. Pense-t-il que les fourmis auraient vite fait de l'avaler? Certains vont donc se réfugier dans la deuxième branche de l'alternative: Obama ne fera rien tout de suite mais réformera quand il aura assis son pouvoir (il sera alors mécaniquement moins populaire, donc attendre est un pari risqué). Les cyniques (qu'Obama dénonce - je veux bien mais après 8 ans de W on se demande s'il y a un choix entre le cynisme et la stupidité), envisageront une troisième possibilité: il ne tentera jamais de transformer profondément les Etats-Unis.

Les gens raisonnables attendront les premières semaines et mois de cette présidence (et peut-être un discours programmatique plus long, comme le State Of The Union mais n'en portant pas le nom - ça arrive) pour se faire une idée.

* Les tax cuts (massivement favorables aux plus aisés) sont la raison essentielle du creusement abyssal des déficits ces dernières années mais le tout dernier stimulus plan d'Obama reste imperturbablement basé pour un tiers sur des tax cuts (pour faire plaisir aux républicains - on se demande bien pourquoi, n'ont-ils pas perdu?). Alors même que les comptes publics partout dans le pays sont proches de la faillite (l'Etat de Californie par exemple) et que la seule chose qui persuade l'investisseur étranger de ne pas balancer ses bons du trésor US est la supposée capacité de l'Etat à lever l'impôt. Existe-t-elle réellement?

1 commentaire:

Ze Tatitude a dit…

Article interessant (en anglais) qui detaille le mecanisme malsain des tax cuts sur la croissance long-terme.
http://www.brookings.edu/articles/2004/0919useconomics_gale.aspx