mercredi 18 mars 2009

Les dirigeants d'AIG se trompe de film

Michael Hudson (un commentateur obscur que je viens de découvrir et dont vous n'entendrez parler que dans le Blogo) trouve étrange que les médias et le monde politique américain s'indignent des bonus distribués chez AIG ($135 millions) alors qu'ils ne représentent que 0.1% des sommes débloquées pour aider l'entreprise à remplir ses engagements face à ses contreparties ($184 milliards). Combien ces contreparties ont-elles distribué en bonus grâce à ces sommes obtenues d'AIG? Sûrement beaucoup plus que $135 millions. Il faut bien dire que cette histoire est "front and center" dans tous les médias américains depuis le début du week-end. Obama et beaucoup d'hommes politiques sont venus porter leurs pierres à l'édifice de cet "outrage across the board".

Hudson s'indigne du fait qu'à l'occasion de cet emballement médiatique devenu cathartique, des politiques dans la poche des banques comme le sénateur Charles Schumer ou le député Barney Frank se donnent des airs de pourfendeurs de Wall Street alors qu'ils en sont en réalité les courroies de transmission au congrès.

Pour Hudson, cet "haro sur les bonus d'AIG" n'est qu'une diversion qui permet de canaliser la colère populaire contre un épouvantail afin de la détourner d'une cible plus évidente: l'ensemble du système bancaire. D'où la surenchère dans la dénonciation et le "posturing". Je suis globalement d'accord avec lui mais Hudson commet une erreur cruciale dans sa narration des faits car il attribue la révélation de la liste des contreparties qui a eu lieu dimanche soir au gouvernement alors que ce sont les dirigeants d'AIG qui ont "lâché le morceau" dans un communiqué de presse.

Voici la chronologie des évènements telle que je les comprends:
D'abord des attaques répétées tout le week-end suite à la révélation du paiement de $135 millions de bonus chez AIG. On rappellera pour mémoire que $4 milliards de bonus avaient été distribués chez la défunte Merrill en décembre juste avant son acte de décès officiel et après des renflouements massifs de l'Etat. La réaction médiatique avait été moindre (en gros, personne n'avait jamais réclamé sérieusement la restitution de l'argent ce qui commençait à être le cas pour AIG - your Wall Street type will gladly take abuse but will frown upon letting any money on the table). Se sentant injustement mis à l'index par rapport à tous leurs amis de Wall Street qui sont systématiquement épargnés par les médias, les dirigeants d'AIG sont amers. Ils savent à quel point leur sauvetage a été utile au reste de Wall Street et ils ne comprennent pas pourquoi ils sont livrés à la vindicte populaire. Par dépit et pour menacer tacitement l'establishment bancaire d'encore plus de révélations, ils rendent public la liste des contreparties qui ont bénéficié des quatre renflouements successifs d'AIG. Ils se croient à la fin de Reservoir Dogs (les deux clips ci-dessous contiennent des images très violentes - âmes sensibles s'abstenir).

Le problème c'est que leur coup n'a pas porté car comme le signale Hudson, les médias ne se sont pas intéressés à ces révélations (what a shocker!). En revanche, les dirigeants d'AIG se sont retrouvés comme dans la scène de Pulp Fiction où un personnage (AIG) décharge son révolver contre Jules et Vincent (Wall Street) sans les toucher: en situation de vulnérabilité.
(voir les 20 premières secondes de ce clip encore une fois très violent).

En brisant l'omerta sur le secret le mieux gardé de Wall Street (les petits arrangements entre amis liés au bailout plan) les dirigeants d'AIG ont accéléré la disparition de leur firme qui a de toute façon fait son office. D'où le ramdam encore amplifié depuis le début de la semaine.

Note: Il s'est passé des choses depuis que j'ai écrit ce post. Le président d'AIG a demandé à ses employés de restituer la moitié de leur bonus. Je serais étonné que cela règle le problème. Peut-être que cela aurait fonctionné le week-end dernier, mais depuis qu'ils ont publié la liste des contreparties, la question n'a plus rien à voir avec les bonus. Un système maffieux sain se débarrasse des balances.

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