Ca n'est pas la première fois que le Blogo s'en prend aux facéties des psy-ops US concernant Twitter, ce service de messagerie pathétique que 60% des utilisateurs abandonnent dans le premier mois suivant leur inscription (comme yours truly - j'ai dûment ouvert un compte puis je n'y ai plus remis les pieds). Après les révolutions colorées, on a essayé de nous vendre assez récemment une "Twitter revolution" en Moldavie (!) que je m'étais empressé de mettre en doute ici. On apprend depuis que le nombre d'utilisateurs de Twitter répertoriés en Moldavie au moment des manifestations était de 70 (via cet abruti qui appelle ça "un paradoxe" - évidemment, pour un gars qui s'occupe de technologies au magazine "Foreign Policy", l'affaire est trop juteuse pour dénoncer l'ineptie qui la sous-tend). 70, donc. Ca peut peut-être marcher pour une révolution de palais...
Que dire devant le nouveau buzz énorme et absolument absurde sur l'Iran et Twitter? Cet article du Wapo m'a fait sortir de mes gonds (en confirmant au passage tous les soupçons que j'avais sur cette rumeur idiote). Comme c'est très souvent le cas dans les campagnes de désinformation, le titre de l'article ("Twitter Is a Player In Iran's Drama") n'a pas grand chose à voir avec son contenu.
Il y est dit que le Département d'Etat est intervenu auprès de Twitter (information provenant d'une "source anonyme", une des plaies du journalisme moderne aux Etats-Unis - à noter que plus loin dans l'article on relègue cette source au rang de "low level") pour repousser une opération de maintenance mardi matin qui aurait pu mettre à mal les communications entre les citoyens iraniens "tech-savvy" alors qu'ils se préparaient à manifester. Twitter confirme qu'ils ont repoussé la maintenance mais ne disent rien à propos du Département d'Etat (Obama a d'ailleurs dit que les Etats-Unis n'essaieraient pas d'influer sur les évènements en Iran - on voit mal comment cela est compatible avec cette "fuite" sur les agissements du "foggy bottom" - whatever). Ici, le Seattle Post Intelligencer dramatise: "State Dept. to Twitter: Iran too important, site fix can wait". Si cela ne vous fait pas regarder votre Iphone comme la nouvelle clé de voûte du monde démocratique, nothing will.*
Le problème, c'est que l'article contient en lui-même la contradiction à ce "narrative" complètement calqué sur la "révolution moldave": Twitter ne gère pas le Persan. On voit mal comment ce truc que personne n'utilise pourrait avoir un rôle politique en Iran si les iraniens ne peuvent pas s'en servir.
On voit donc en deux paragraphes la thèse entière de l'article s'effondrer:
It is hard to say how much twittering is actually going on inside Iran itself. The tweets circulated by expats in the United States tend to be in English -- the Twitter interface does not support the use of Farsi. And though many people may be sending tweets out of Iran, their use inside Iran may be low, some say.
"Twitter's impact inside Iran is zero," said Mehdi Yahyanejad, manager of a Farsi-language news site based in Los Angeles. "Here, there is lots of buzz, but once you look . . . you see most of it are Americans tweeting among themselves."
Ce qui n'empêche le Wapo de poursuivre son bonhomme de chemin et de propager l'idée mise en avant dans le titre. Il y a sûrement des flux twitters sur la Grippe A. Pourquoi ne nous abreuve-t-on pas de "Twitter flu" (grippe Twitter)? Encore une raison de célébrer quand on annoncera que le Wapo met la clé sous la porte. En attendant, je suggère aux lecteurs du Blogo de faire comme moi et de ne croire à peu près rien des informations qui nous viennent d'Iran. Même Juan Cole, qui est pour moi le one-stop shop quand je me pose des questions sur cette région du monde, tire des conclusions rapides qui me laissent un peu sur ma faim (à vous de juger). Je suggère donc la circonspection en attendant que la poussière retombe. Quand on voit à quel point une "low level source" peut faire écrire n'importe quoi au Wapo, on imagine facilement que des "high level sources" peuvent lui faire écrire ce qu'elles veulent.
* Les médias français ne résistent évidemment pas à la diffusion pavlovienne de toutes les imbécilités qui nous viennent des Etats-Unis. L'Express pose même cette question cruciale: Pourquoi l'Iran ne parvient pas à censurer à Twitter? How about this: Parce que personne s'en sert!
Update: Facebook pareillement ne gère le persan que depuis le jeudi 19 juin en version béta. Il y a donc une énorme projection des américains sur les technologies utilisées chez eux par des gens originaires d'Iran et ce qu'il se passe réellement sur place. Le "narrative" sur les nouvelles technologies renversant les mollahs est sans doute irrésistible même s'il est faux, les MSM ne nous ont pas habitué à autre chose.
mercredi 17 juin 2009
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3 commentaires:
Les medias francais (pour l'instant les bas fonds des medias: 20 minutes, etc.) reprennent aujourd'hui ces informations sans sourciller!
Je ne me prononce pas sur l'avenir de Twitter. Je n'en vois pas l'intérêt par rapport à ce qu'offre déjà l'internet et je trouve la contrainte portant sur le nombre de caractère pas pratique. Tout le monde glose également sur l'interfaçage avec les SMS en semblant ignorer que les SMS coûtent de l'argent (on voit déjà comment les opérteurs telcos qui ont de plus la main sur les contenux sont naturellement enclins à nous gaver de twitter agit-prop).
Enfin bon, mon point est que ce truc n'a rien à voir avec ce qui se passe en Iran (ou en moldavie), et ça, je n'en démords pas.
Twitter: encore un business model non monétisable, une politique de privacy douteuse et du buzz à gogo. Qui a dit Facebook ?
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