Matt Taibbi se paye Goldman Sachs dans Rolling Stones Magazine (pas dans le NYT!). Ce long article n'est pas encore disponible sous un format très lisible. Il est long mais il mérite d'être lu ( il est en anglais).
Des années 20 au TARP en passant par la bulle internet et la bulle de l'immobilier, tout y passe. On est souvent tenté de remplacer "Goldman" par "Wall Street" dans l'article mais il faut bien reconnaître que s'il y a un barycentre des pôles de décision dans la sphère politico-financière (en incluant dans le mix la FED, le gouvernement et le congrès qui font désormais "compte commun" avec le système bancaire), il ne peut pas raisonnablement être très éloigné de 85, Broad Street*. Dans cet ensemble, Goldman a une place complètement centrale. Que ce soit en termes de résultats financiers, d'appuis politiques ou de soutiens médiatiques, Goldman est "second to none" (en première position). Rôle central illustré par exemple par la présence incongrue de son CEO en septembre 2008 dans une réunion sur le sauvetage d'AIG entre le gouvernement, la FED et les régulateurs. Ce sauvetage a été opéré selon des modalités qui allaient faire de GS son premier bénéficiaire ($13 milliards).
Selon Taibbi, tout est la faute de Goldman. Et si d'autres étaient également responsables, Goldman est encore plus coupable car ils ne se sont pas faits avoir. Alors excessif et délirant? Not so fast... Dans des marchés financiers qui déboussolent à peu près tout le monde, l'idée que le chaos puisse être organisé et que des firmes passent systématiquement par "la case départ en touchant 20,000 francs" est répandue. La crise a démontré que Wall Street n'a pas de fondations éthiques (contrairement à ce que voulait nous faire croire le conte moral relaté en 1987 dans le film éponyme qui a décidément vieilli). Les ententes, les manipulations de cours, les fraudes, la corruption y sont monnaie courante et presque jamais sanctionnées. Sans parler de l'extorsion pure et simple de fonds du gouvernement dans des proportions irréelles quand le besoin s'en est fait sentir. La SEC et les autres régulateurs sont des tigres de papier (Madoff, subprime etc...).
La crise aurait dû être l'occasion de la remise à plat de Wall Street et de son institution phare, Goldman Sachs. Leurs agissements ont causé assez de désolation pour justifier un examen plus approfondi que l'admiration béate que nous propose le tryptique (WSJ, FT, The Economist qui n'ont cessé de nous présenter depuis des années les responsables de la sphère financière comme des divinités grecques, des directeurs de la FED aux CEOs de banques). Plus d'articles critiques comme celui de Taibbi permettraient de créer le soutien nécessaire à la restructuration du système bancaire devenu un énorme boulet pour la démocratie américaine (et le contribuable). Pour l'instant, la crise a plutôt renforcé les (nombreux) acteurs qui ont été secourus en créant un magma comptable dans lequel on ne peut plus distinguer la dette des banques et la dette de l'Etat. Avec le trésor de guerre accumulé par les banques (et les banquiers) ces dernières années, il est clair qu'elles ont les moyens de faire la pluie et le beau temps à Washington pendant encore un certain temps. La crise s'aggravera-t-elle assez pour que l'Etat restructure finalement les institutions financières** et qu'on revienne à un système fonctionnant plus ou moins comme dans la période 1945-1985?
Si cela ne se produit pas, on peut compter sur les banques livrées à nouveau à elles-mêmes pour générer une nouvelle crise plus grave dans quelques années qui aboutira cette fois-ci aux restructurations et à l'assainissement nécessaires. La thèse du Blogo est que cette crise est "la bonne", celle qui va obliger à la réforme. Si cela s'avère vrai, ça n'est bien évidemment pas une bonne nouvelle car seule une crise très grave peut déstabiliser un système financier qui a une telle emprise sur le pouvoir politique. Comme le montre le sauvetage des banques, il est clair que la structure de pouvoir ne se rendra pas sans combattre et que sa déstabilisation apparaît comme une proposition politique très risquée. Il n'en demeure pas moins que ce genre de séïsme arrive comme l'a prouvé la fin de l'empire soviétique (ce sont bien les structures de l'empire américain qui sont testées aujourd'hui - notamment son financement par la dette en particulier de son armée).
*adresse de GS.
** La non-restructuration n'est pas forcément un mauvais choix pour l'instant du point de vue américain: que resterait-il de la puissance américaine (ie: de sa capacité à attirer des capitaux) si l'Etat avait été honnête sur la situation de l'industrie bancaire en l'envoyant à la casse? Le "rêve américain" des investisseurs n'y aurait sans doute pas résisté et les Etats-Unis auraient sans doute déjà connu une grave crise de financement (et nous aussi probablement). Les américains ont tout intérêt à maintenir les apparences le plus longtemps possible. La réforme ne pourra venir que de l'extérieur quand les créditeurs tireront l'échelle. Ne comptons pas sur les américains pour donner le coup de pied de l'âne à un système dont ils sont les bénéficiaires. Les MSM (vieux médias) nous disent que cette crise systémique a été évitée. El Blogo maintient qu'elle n'a été que repoussée. Pour combien de temps? J'avais mis beaucoup de jetons sur l'année 2009 et sur le premier semestre en particulier (qui se termine aujourd'hui... raté). Stay tuned.
mardi 30 juin 2009
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3 commentaires:
Patience, ça arrive.
Ouais. Y ont rechargé les accus des paumes pendant quelques mois en retenant leur respiration et ça commencer à déborder... Encore un automne intéressant en perspective!
It is coming and coming and coming.
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