La FED a une responsabilité cruciale dans la crise. Le fait que la récession majeure que nous traversons se produise après 3 ans et demi d'une politique monétaire ultra-laxiste n'est évidemment pas un hasard. D'octobre 2001 à mai 2005, les taux américains ont été strictement inférieurs à 3,0%. Pourquoi retenir 3,0% comme signe d'une politique "ultra-laxiste"? C'est le point le plus bas qu'avaient atteint ces taux dans la période "moderne" (post-inflation des années 70).
Le graphe ci-dessous montre qu'il faut remonter à 1960 pour passer en dessous de 3%. A noter qu'à l'époque, les Fed Funds Rate n'étaient pas l'alpha et l'oméga de la politique monétaire comme ils le sont devenus depuis. La récession précédente (début des années 90) avait vu le taux directeur s'établir à 3% en septembre 1992 avant de commencer à remonter rapidement 18 mois plus tard. (Remarque: je dénonce dans ce post les excès de la période 2001-2005 en termes de taux trop bas, regardez où nous en sommes aujourd'hui... C'est pour ça qu'il y a un blogo.)
En agrandissant le graphe sur la période récente, on s'apperçoit que les taux qui avaient déjà beaucoup baissé au premier semestre 2001 (3% depuis le début de l'année) semblaient en voie de stabilisation en août 2001 (depuis deux réunions, la FED ne baissait plus que par incrément de 25bps au lieu de 50 les 5 fois précédentes). La FED semblait donc partie pour le type de scénario illustré en rose dans le graphe ci-dessous et similaire à celui de la récession de 1992.
Au lieu de cela, c'est le scénario bleu qui a été retenu dès le 17 septembre lors d'une très rare réunion inter-meeting qui a vu les taux baisser de 50bps. A nouveau le 2 octobre et le 6 novembre. Un dernière baisse le 11 décembre 2001 amène les taux à 1,75%.
Ce faisant, la FED a fait entrer le monde dans une nouvelle ère monétaire. La menace a-t-elle été surestimée? Les pertes subies le 11 septembre justifiaient-elles qu'on envoie par dessus bord les principes de base suivis jusqu'alors par la politique monétaire? Certainement pas. Les Etats-Unis n'ont pas eu de mal à absorber les pertes humaines et matérielles causées par les attentats. Non, c'est dans sa décision du 6 novembre 2002 que la politique de la FED d'un relâchement si important et si étendue dans la durée prend toute sa dimension. La FED décide alors de baisser les taux de 1.75% à 1.25%. Une raison: contrer les effets négatifs de la guerre qui se profile. Extrait de la décision: "However, incoming economic data have tended to confirm that greater uncertainty, in part attributable to heightened geopolitical risks, is currently inhibiting spending, production, and employment"*. La FED participe clairement à l'effort de "guerre contre le terrorisme" en mettant de l'huile dans le moteur. C'est en répondant aux attentats du 11 septembre d'une manière idiote et criminelle que Bush scelle le sort monétaire de la période. Il y aura la guerre et puisque la population est hésitante, tout est fait pour que la récession économique amorcée soit avortée. Le futur est alors sacrifié au présent et c'est dans ce futur que nous nous trouvons aujourd'hui.
Cette politique monétaire a créé une situation économique qui devrait en toute logique mettre un terme de façon prématurée à la domination des Etats-Unis qu'Hubert Védrine baptisait "l'hyperpuissance" il y a seulement dix ans. Les terroristes du 11 septembre n'en espéraient sans doute pas tant.**
* La Phrase suivante du "statement" du 6 novembre 2002 est également intéressante car elle se retrouve tout au long de la période: "Inflation and inflation expectations remain well contained." C'est le grand miracle de la période: comment cette politique inflationniste a pu ne pas produire des conséquences statistiques qui auraient pu conduire la FED à remonter les taux?
Il faut parler de la logique de guerre qui a eu un poids sur l'information économique: les américains n'ont par exemple jamais été conscients d'être en récession en 2001. On leur a dit après, suite à une révision des chiffres, qu'il y avait eu effectivement une récession mais qu'elle était finie. L'intervention politique semble à peu près certaine au moins dans la présentation de ce chiffre.
Surtout, l'inflation ne tient pas compte du prix des maisons. Elle est calculée à partir des loyers qui n'ont pas du tout suivi l'évolution délirante des prix de l'immobilier. Ainsi, on peut même considérer que quand l'accès à la propriété augmente, les loyers baissent car plus personne ne loue. Le système de mesure de l'inflation n'a donc pas seulement raté la bulle de l'immobilier, il a probablement considéré l'immobilier comme un facteur relativement déflationniste dans la période.
** D'où la question posée par Stephen Colbert au White House Correspondents Dinner de 2006: "Why, oh why, did we invade Iraq?"
vendredi 12 juin 2009
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