mercredi 5 août 2009

Greenwald et les "Corporate Media"

A la suite de la publication d'un article dans le NYT qui se voulait peu polémique décrivant les relations entre Newscorp et MSNBC, Glenn Greenwald a fait une explication de texte qui sème la panique au sein de NBC/MSNBC/GE. Il semble que Charlie Rose* ait fait les bons offices en mai entre GE et Newscorp en réunissant les CEOs autour d'une table. Il a été convenu lors de cette réunion que les attaques de Keith Olbermann (MSNBC) contre Bill O'Reilly (Fox News) cesseraient. En échange, O'Reilly cesserait de son côté de critiquer GE. Les corporate media dans leurs oeuvres: on ne va quand même pas se mettre des bâtons dans les roues puisqu'on est finalement tous du même bord...

Et Greenwald d'attaquer impitoyablement tous les acteurs de cette farce en se faisant une fois de plus le héraut des idéaux démocratiques foulés au pied quotidiennement par les élites américaines dans l'indifférence la plus totale. Et ça fait mal. Déjà, un contributeur de MSNBC a perdu son job (Richard Wolffe): Greenwald demande est-il normal qu'un "analyste politique" de MSNBC soit employé d'une société de PR pour grandes entreprises? Il suffit que la question soit posée pour que la réponse évidente ait entraîné la chute de l'intervenant. Encore faut-il qu'il y ait l'internet et que Greenwald soit là pour poser cette question. Il y a eu ensuite un pushback contre Greenwald avançant qu'il n'y avait pas de bases factuelles à ses accusations (il ne faisait que citer un article du NYT qui était en fait attaquer). Il semble qu'il ait reçu beaucoup de courrier lui demandant de revenir sur ses positions. C'est là qu'il a été secouru par Olbermann lui-même qui a dit qu'il n'avait pas passé d'accord avec Fox News (laissant entendre qu'on lui avait simplement ordonné de cesser les attaques et qu'il s'était exécuté en tant qu'employé - l'accord avait eu lieu au sommet). Greenwald a donc réussi à faire tomber Olbermann de son côté. Un présentateur star de MSNBC est désormais en porte-à-faux avec sa direction car Greenwald s'en est mélé. Le pouvoir de Greenwald s'affermit sans cesse et il est en passe de devenir l'un des individus les plus puissants du paysage médiatique. Sa force? Etre celui qui dit la vérité alors que le mensonge est devenu la norme. Etre celui qui s'en tient aux grands principes fondateurs de la démocratie américaine alors que ces grands principes, s'ils étaient respectés, conduiraient à l'incarcération de milliers de membres de la classe dirigeante américaine (guerre d'agression, torture, subprime...). Dans un cadre où la lâcheté ordinaire devient le ciment d'une société malade, l'émergence de Greenwald comme justicier solitaire est un vrai signe d'espoir que nous devons à l'internet.

Nos médias ont des rapports tellement incestueux avec les pouvoirs politiques et économiques que la simple énonciation des connexions entre les différents acteurs suffit à dévoiler le discours médiatique pour ce qu'il est: une vaste tartufferie. Je dis souvent que la situation américaine est pire et je le crois globalement mais je dois dire que la France est un bon exemple de ridicule et de servilité. On pense à Bouygues (qui comme GE dépend pour une part importante de contrats publics) comme illustration criante de cette dérive mais il y en a tellement d'autres (dénoncées déjà par Serge Halimi dans les années 90 dans "Les Nouveaux Chiens de Garde")...

Heureusement il y a l'internet et on peut espérer que les années qui viennent nous apportent une "Greenwaldisation" des esprits, qu'assez de citoyens avertis prennent conscience du caractère dérisoire des "garanties journalistiques" que leur promettent les corporate media pour qu'ils écoutent d'autres voix indépendantes capables de faire tomber des têtes et d'instiller la peur chez ces petits marquis poudrés qui nous abreuvent de leurs inanités depuis beaucoup trop longtemps.

Note: Un scandale a également atteint le Washington Post le mois dernier. Le journal proposait d'organiser des meetings "off the record" entre des membres de l'administration Obama et des responsables du Health Care. Moyennant finance évidemment. Vous avez dit "corporate media"?

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