jeudi 16 octobre 2008

Debate "live blogging"

Obama, le Terminator. Il est trop fort. Mon expression favorite ces derniers mois était de dire qu'il était le "Roger Federer" de la politique. Comme au tennis, une des choses qui pouvait se passer lors du dernier débat était une forme de "peur de gagner" d'Obama. Le débat n'est pas fini mais il fait déjà montre de la maîtrise, du calme et de l'assurance des grands champions. C'est la Federer's touch d'Obama. Il a quand même sur le papier beaucoup moins d'expérience que son opposant et pourtant, à un âge où les carrières politiques ne sont souvent que balbutiantes, c'est lui le plus présidentiel.

Je me suis souvent dit qu'on avait tendance en France à mettre en avant le plus évident en ce qui concerne Obama: son origine ethnique improbable pour un présidentiable américain. Or ce n'est pas selon moi ce qui le caractérise principalement ou qui raconte le mieux son histoire. Ce qui le caractérise et qui fait de lui un homme politique exceptionnel, c'est son talent. Sa campagne depuis deux ans est un sans faute stratégique total. Même quand Clinton (qui s'avère avoir été un "tougher cookie" que McCain) perdait son sang-froid, il n'a jamais dérapé. Quand Clinton et McCain on dit dans un bel ensemble au printemps qu'il fallait une "gas tax holiday", il a refusé et a dit que c'était démagogique alors que les américains vivaient très douloureusement la hausse du pétrole. Aucun commentateur ne l'encourageait dans cette voie. Et une semaine plus tard, la population américaine (et les médias) était derrière lui contre toute attente. Je ne veux pas en faire un saint qui refuse la démagogie ou les compromissions en toute circonstance (c'est un homme politique - pas un bisounours), mais son instinct sur cette "gas tax holiday" a été stupéfiant.

Quand il a été mis en difficulté par les déclarations passées de son pasteur, le révérend Wright, il a produit un discours scotchant (voir ci-dessous - 37min) sur les relations interraciales en Amérique qui a tourné une difficulté en avantage. C'est un discours qu'il a écrit en grande partie lui-même (il fait référence à son expérience personnelle d'une manière qui ne trompe pas). C'est notamment en cela qu'il rend ses lettres de noblesse à la politique: il est capable, s'il le faut, de s'adresser au peuple sans la médiation des spin doctors. C'est ce qu'il fait en cas de difficulté et ça s'appelle le leadership.

Ne nous y trompons pas cependant: pour en arriver là où il en est aujourd'hui, Obama a fait toutes les concessions qu'il fallait à un système politique corrompu. Ce qui laisse espérer qu'il s'avère être une force réformatrice en dépit de cela, c'est qu'il n'a pas fait une concession de plus que nécessaire: il a mené la campagne la plus radicale possible dans le contexte des Etats-Unis de 2008. S'assurer les moyens de la victoire est quand même le premier talent nécessaire en politique.

Contrairement aux vieux crocodiles comme McCain ou Clinton, sa jeunesse en fait encore un outsider à Washington. Il demeure une wild card qui pourrait rendre aux américains leur démocratie. Il en a le talent mais c'est une tâche dantesque. Il va sans doute pouvoir s'appuyer sur un raz de marée démocrate. Si les évènements lui sont favorables, tout est possible (la crise économique est un double edged sword: ca peut l'embourber mais ça peut aussi augmenter sa capacité réformatrice).

Comment évaluer une présidence Obama alors? Le noeud gordien de la politique américaine est la loi de financement des campagnes électorales. C'est ce système vermoulu qui fait qu'aujourd'hui chaque grand secteur économique écrit lui-même ses lois (on a vu ce que ça donnait dans les mortgage) et que l'intérêt général est perdu corps et bien. Obama peut faire beaucoup de bonnes choses en deux mandats mais pour que son action soit durablement transformatrice, il faut qu'il change radicalement le financement de la politique aux USA. C'est ce que proposait John Edwards et c'est pour ça qu'il n'a eu droit qu'à une très faible couverture médiatique pendant les primaires.

Voilà, le débat est fini. Je n'ai finalement écouté que d'une oreille. Je crois que le prochain président américain va être Roger Federer et ils auraient pu plus mal tomber. Obama s'est imposé par son talent et en faisant les bonnes concessions aux pouvoirs en place (contrairement à John Edwards qui n'a pas su "amadouer" le système). Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il partage au fond, l'analyse de John Edwards sur la nécessité de réformer le rôle de l'argent dans la politique aux USA. Pourquoi? Tout simplement parce que n'importe quel observateur un peu attentif savait que la corruption était endémique aux USA et que la crise économique en a maintenant apporté la démonstration retentissante (John Edwards n'avait-il que 6 mois d'avance?). Barack Obama disposera-t-il un jour du capital politique nécessaire à une telle entreprise? Si lui n'y arrive pas, je crois en tout cas qu'on pourra se dire que personne d'autre n'y serait parvenu. S'il y parvenait, ce serait un peu un Federer qui aurait gagné le grand chelem.

Aucun commentaire: