L'affaire iranienne nous permet de cartographier le paysage médiatique américain. Sans surprise, les vieux médias se retrouvent peu ou prou là où ils étaient avant la guerre en Irak: ils n'ont pas renouvelé leur personnel, ils n'ont jamais reconnu s'être trompés sérieusement lors de la guerre en Irak et ils ont toujours soutenu les dernier développements guerriers alors même que la population prenait position de plus en plus fermement contre les interventions extérieures. Ils en payent le prix et sont devenus un sujet de blagues parmi les citoyens éclairés, en train de devenir la majorité. Pas de surprise donc de ce côté là: la discussion porte en gros sur le type de bombe qu'il faut envoyer sur l'Iran.
La blogospère de droite a sans doute quelques personnalités anti-guerres mais elles ne sont pas légion (on peut regarder du côté du magazine "The American Conservative" qui publie traditionnellement certaines de ces voix). Dans la blogosphère de gauche (le seul endroit où la question se pose réellement), c'est plus intéressant. Beaucoup se retrouvaient sur une ligne critique envers la guerre en Irak et là, c'est la surprise. Alors qu'on pouvait s'attendre à un mouvement puissant contre l'hystérie sur l'Iran (fort de l'expérience de 2003), la prudence semble pour l'instant être un refuge pour beaucoup en raison de ce que je crois être un "effet Obama" (qui réussit décidément à vendre à peu près n'importe quoi à une population américaine subjuguée). Le côté spectaculaire des révélations sur la centrale de Qom a sans doute un peu douché l'enthousiasme des "usual suspects". J'imagine que les langues se délieront quand le site de Qom aura été inspecté en fonction du résultat. Je diviserais les intervenants en trois catégories:
Les inflexibles: Glenn Greenwald, Juan Cole, Jeremy Scahill, Scott Ritter, Justin Raimondo... Animés d'une "righteous anger", ces outsiders aussi éloignés qu'on peut l'être des leviers du pouvoir à Washington sont prêts à confondre les tartuffes pro-guerres et à démonter leur propagande transparente.
Les prudents: certains ont fortement protesté contre la guerre en Irak mais ils sont très prudents sur l'Iran: Atrios, Josh Marshall et Daily Kos. C'est l'effet Obama: leur lectorat soutient Obama et une position dure pourrait les mettre en porte-à-faux. C'est la guerre comme test du bois dans lequel vous êtes fait. Si Bush était aux commandes, leurs positions seraient sans doute claires mais puisque c'est Obama, ils ne la ramènent pas. Leur solution peu glorieuse: ils en parlent très peu. Ils devraient in fine rejoindre les inflexibles (sauf peut-être Kos qui a fait au moins un post inquiétant qui répétait en l'amplifiant l'argumentaire des trois du G20, s'il finissait dans la dernière catégorie ci-dessous, cela serait vraiment un tremblement de terre).
Les traîtres: ils ont surfé sur le sentiment anti-guerre des américains depuis des années et ils rejoignent sans hésiter les légions des vieux médias incitant à l'hystérie guerrière. Arianna Huffington: elle est arrivée sur l'internet avec des fonds massifs, elle attire le chaland avec des articles aguicheurs sur les ragots salaces d'Hollywood. Son poids est massif et elle retombe lourdement dans le camp pro-guerre. Andrew Sullivan: il a soutenu la guerre en Irak, il a retourné sa veste pour suivre l'ère du temps et s'est presque fait pardonner mais sur l'Iran, il reprend les bonnes habitudes.
Les traîtres sont essentiels au dispositif pro-guerre. C'est en se couchant que le New York Times a rendu la guerre en Irak possible (alors oui, ils ont du faire le 18 mars un édito contre la guerre mais ça ne rachète pas leur couverture pro-guerre les six mois précédents - cf Judith Miller). J'exagère un peu: une opposition argumentée à la guerre ne l'aurait peut-être pas empêchée. Elle aurait en tout cas sauvé la réputation des vieux médias qui a coulé avec les errements de la "gray lady". En soutenant la guerre, ils ont rendu la position anti-guerre moins "mainstream" au sein de la population qui aurait dû être le fer de lance de l'opposition. Trahi par sa base arrière naturelle dans les médias, le camp anti-guerre peut difficilement s'organiser.
Note 1: Attention, j'ai en gros laissé de côté l'essentiel du paysage médiatique qui est pro-guerre par construction, à gauche comme à droite pour ne m'intéresser qu'à la sphère où des questions se posent.
Note 2: Les blogs économiques que je suis ont tous soigneusement évité pour l'instant d'évoquer le sujet.
jeudi 1 octobre 2009
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