vendredi 2 octobre 2009

"Wipe Israel of the map"

"Rayer Israël de la carte." Combien de fois avez-vous entendu cette expression ces dernières années? Les barbus de Téhéran seraient arc-boutés sur cette idée et feraient "tourner leurs centrifugeuses" dans le but ultime de faire une bombe, de l'envoyer immédiatement sur Tel Aviv pour voir leur pays réduit en cendres en retour. Voilà un plan machiavélique digne d'un personnage de Tex Avery. Il paraît que les américains à une époque s'opposaient à ce que les chinois possèdent la bombe car ils considéraient qu'ils n'étaient "pas rationnels". Racisme ordinaire.*

Le problème, c'est qu'Ahmadinejad n'a littéralement pas dit qu'il voulait "rayer Israël de la carte". C'est un idiome qui n'existe pas en persan. Juan Cole, qui parle le farsi, a "débunké" cette histoire il y a longtemps. Je reproduis la version courte de l'explication qu'il a écrite hier dans le cadre de "10 idées reçues sur l'Iran" que je vous recommande (sauf si vous préférez garder vos idées reçues). Il avait fourni une explication plus approfondie ici.

Belief: Iran has threatened to attack Israel militarily and to "wipe it off the map."

Reality: No Iranian leader in the executive has threatened an aggressive act of war on Israel, since this would contradict the doctrine of 'no first strike' to which the country has adhered. The Iranian president has explicitly said that Iran is not a threat to any country, including Israel.

Belief: But didn't President Mahmoud Ahmadinejad threaten to 'wipe Israel off the map?'

Reality: President Mahmoud Ahmadinejad did quote Ayatollah Khomeini to the effect that "this Occupation regime over Jerusalem must vanish from the page of time" (in rezhim-e eshghalgar-i Qods bayad as safheh-e ruzgar mahv shavad). This was not a pledge to roll tanks and invade or to launch missiles, however. It is the expression of a hope that the regime will collapse, just as the Soviet Union did. It is not a threat to kill anyone at all.

On se focalise également sur cette phrase mal traduite alors que d'autres déclarations plus modérées ne sont jamais mises en avant. Ahmadinejad n'est de plus pas commandant en chef des armées et son pouvoir est généralement beaucoup plus limité que ne le laisserait penser son statut de "Saddam Hussein bis" dans la psyché occidentale.

Alors Amahdinejad joue effectivement avec le feu en faisant du révisionnisme (bien qu'il ait mis de l'eau dans son vin récemment lors de son passage à New York avec Katie Couric puis Charlie Rose). On dit aussi que son discours à l'ONU était antisémite (je ne l'ai pas lu). C'est inexcusable. Je ne sais pas quels calculs politiques se cache derrière ces prises de positions outrancières. Cela ne peut cependant pas justifier le bombardement d'un pays. Les protestations et l'isolation de l'Iran semblent être des réactions appropriées. Ahmadinejad n'écrit pas nos livres d'histoire. Et quand bien même on intègrerait cela à un plaidoyer pour le bombardement, il faut quand même se rappeler que le peuple iranien vient de passer à deux doigts de se débarrasser de cet homme et qu'ils y parviendront sans doute aux prochaines élections. Justifier en partie le bombardement de l'Iran à cause des positions d'un dirigeant contesté et au pouvoir limité est complètement délirant.

Note: A part cela, El Baradei dit que l'Iran est en infraction à ses obligations avec la non déclaration de la centrale de Qom dès la décision de construire (question qui n'intéresse que le blogo). Il dit en revanche qu'il n'y a pas de preuve tangible d'un programme nucléaire militaire en Iran.

* (Sur le racisme ordinaire que constitue la notion que certains peuples seraient dangereux avec la bombe.) Comprenez-moi bien: plus le club nucléaire est petit, mieux on se porte. Je ne vais pas dire le contraire. Mais considérer que des cultures ou des races feraient n'importe quoi avec la bombe... Essayons déjà, pour ceux qui l'ont, de ne pas faire n'importe quoi avec avant de la ramener (cf la crise de Cuba).

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Pas très sérieux, à mon humble avis, cet article sur Ahmadinejad. Ses discours sont d'une férocité inouïe. Le "Sionisme" y prend systématiquement l'allure d'une entité maléfique et dominatrice calquée sur les représentations les plus éculées du judaïsme. La propagande nationale se sert régulièrement d'Israël comme dérivatif à tous les problèmes intérieurs, ce qui n'est rien d'autre que la fonction éternelle de l'antisémitisme. Dès que les juifs perses arrivent en Israël, lorsqu'ils parviennent à fuir, ils expliquent sans la moindre hésitation que les autorités sont pétries d'un antisémitisme foncier. Il est d'ailleurs comique de voir certains dignitaires se tromper dans les discours et utiliser le mot "juif" à la place du mot "sioniste" de temps en temps (oops !). Ahmadinejad a été jusqu'à superviser la plus grande réunion négationniste de ces dernières années, donnant l'accolade aux antisémites les plus radicaux de la planète. Son gouvernement soutient directement des mouvements comme le Hizbollah et le Hamas qui ne se cachent même pas de leur détestation des juifs dans certains de leurs textes fondateurs ou organes de propagande. Etc etc etc.
Pour avoir étudié le discours antisémite pendant 2 ans et demi, je pense que je ne connais pratiquement pas d'antisémitisme aussi pur et aussi radical aujourd'hui que celui qu'on trouve en Iran. Note bien qu'il n'y a pratiquement plus aucun pays musulman où le contact physique avec les juifs soit encore prohibé par certains courants religieux en 2009.
En ce qui concerne la bombe, je me sens totalement incompétent. Je ferai seulement remarquer que son but est sans doute moins d'exterminer les juifs tout de suite que de sanctuariser l'Iran de manière à pouvoir soutenir plus sereinement Hamas, Hezbollah et autres.
Pour un petit aperçu sur le passé de ce personnage, ne pas hésiter à jeter un coup d'oeil à
http://www.matthiaskuentzel.de/contents/ahmadinejads-world
Alexis R.

H a dit…

Salut Alexis,

Ca n'est pas un article sur Ahmadinejad (ni d'ailleurs un article, c'est un post). En ce qui concerne le "sérieux", je crois honnêtement qu'il est très sérieux. Il dit qu'un historien extraordinairement écouté dans la gauche américaine et qui parle Farsi trouve la traduction retenue de la phrase la plus reproduite d'Ahmadinejad dans les médias occidentaux "inflammatory". Can it get more serious than that?

On ne peut d'ailleurs pas vraiment attaqué le sérieux de ce post puisqu'il fait état d'une position très peu entendue de quelqu'un d'important dans le débat sur le Moyen-Orien aux Etats-Unis. On peut attaquer le sérieux de l'assertion de Juan Cole mais du post, je ne vois pas trop.

Anonyme a dit…

Dire que l'article n'est pas très sérieux était une façon de parler ou d'introduire.
Je retire cette phrase !
Je voulais seulement dire que je suis en désaccord complet avec l'une des idées que ce post pourrait suggérer, à savoir qu'on ne trouve pas d'antisémitisme dans les discours du régime iranien, et tout particulièrement d'Ahmadinejad.

Tant que j'y pense, voici un bon article sur le "sujet", dans une revue à comité de lecture :
Soli Shahvar, The islamic regime in Iran and is attitude towards the Jews : the religious and political dimensions, Immigrants & minorities, vol. 27, 1, mars 2009, pp. 82-117.
L'article explique assez bien pourquoi le régime a choisi de faire usage des "Protocoles des sages de Sion" et comment ce type de discours permet de diaboliser les israéliens dans les médias (ils volent les yeux des enfants palestiniens, etc.).

Sinon, il y a 3 ou 4 conférences sur le site de Yale spécialisé là-dessus : http://www.yale.edu/yiisa/videos.htm

Mais peut-être mon point de vue est-il biaisé par ma judéité !

No hard feelings
Alexis R.

H a dit…

Alexis,

Bon, on a visiblement des choses à se raconter, il faudrait qu'on se voit.

Je réfute l'idée selon laquelle mon post suggérerait qu'Ahmadinejad ne tient pas des propos antisémites. Je dis précisément l'inverse mais je suis moins péremptoire pour son dernier tour de piste à NYC spécifiquement (je l'ai vu chez Couric et Charlie Rose mais je n'ai pas eu le courage de lire son discours).

Sur les juifs iraniens qui "arrivent à s'échapper" on a clairement pas les mêmes sources d'information:
http://jta.org/news/article/2007/07/09/102914/iranaliyah

J'ai jamais de hard feelings et j'adore discuter. Je m'arrête rarement en premier.

Anonyme a dit…

Ce n'est vraiment pas du tout pour avoir le dernier mot, mais j'ai jeté un coup d'oeil au lien que tu m'as laissé. Comme tu le sais sans doute, il est typique de l'Etat israélien (ou de certaines organisations para-gouvernementales) de chercher à inciter les juifs de diaspora à immigrer. Et je veux bien croire que la plupart des 20 000 juifs iraniens y soient insensibles.
L'élément important qui ne figure pas dans ce mini article est que les juifs perses sont DEJA presque tous partis ! Ils étaient à peu près 100 000 sous le Shah (et encore beaucoup plus en 1948 évidemment).
Les derniers 20 000 dont il est question ici sont peut-être particulièrement bien intégrés socialement et culturellement. Ou plus à l'abri de l'antisionisme ambiant. Après tout, ça fait des millénaires que les juifs sont en Perse.
(Tu peux jeter un coup d'oeil à l'article de wikipedia sur les "persian jews"; il est légèrement politically correct à mon goût, mais il a au moins le mérite d'évoquer leur longue histoire.)

+ un bémol à ce que j'ai dit : je reconnais un biais non négligeable dans ma source car il y a des chances que les juifs iraniens interviewés dans les médias israéliens soient les plus hostiles au régime...

Désolé de t'avoir entraîné très loin du post initial, mais je me sens incapable de dire quoi que ce soit sur les projets nucléaires de l'Iran.

Alexis R.

H a dit…

Les lecteurs attentifs n'auront aucun mal à déterminer qui a envoyé qui consulter la fiche "Persian Jews" sur wikipédia.

Nous ne sommes pas si loin du post original et on est en tout cas au coeur de ce qu'entreprend le blogo: faire revisiter à tout le monde les "certitudes" qu'ils ont sur l'Iran.

Ton premier comment:
"Dès que les juifs perses arrivent en Israël, lorsqu'ils parviennent à fuir, ils expliquent sans la moindre hésitation que les autorités sont pétries d'un antisémitisme foncier."

Ton dernier comment:
"Les derniers 20 000 dont il est question ici sont peut-être particulièrement bien intégrés socialement et culturellement."
et "+ un bémol à ce que j'ai dit : je reconnais un biais non négligeable dans ma source car il y a des chances que les juifs iraniens interviewés dans les médias israéliens soient les plus hostiles au régime..."

Congratulations Alexis: You've just been "Blogoed"!

Ze Tatitude a dit…

Et Ahmadinehad qui aurait des origines juives, c'est du domaine de l'info foireuse? Je me dis qu'avec toutes les sottises qu'on lit ou entend dans les medias, on est plus a une anerie de plus. Qu'en penses tu, El Blogo?