dimanche 7 août 2011

S&P: le retour presque incongru du concept d'intégrité

In-té-gri-té. S'il y avait un concept qui était bien mort et enterré depuis 2007, c'était celui-là. Le monde (l'Empire) ne tenait debout que par et pour sa corruption.

Et tout à coup, S&P, comme l'enfant dans le conte, annonce à tout le monde: "le Roi est nu".

Dieu sait que ce blog n'a jamais défendu la structure de pouvoir mais je devais bien reconnaître, contre les Peter Schiff et autre Ron Paul (dont je partage par ailleurs certaines thèses), que les Etats-Unis n'avaient aucune raison de se tirer dans le pied et de mettre fin eux-mêmes à la mascarade qu'était devenue le système financier international (dont ils tiraient un avantage si substantiel).

C'était bien évidemment à ceux qui portaient le poids de l'arrogance impériale de tirer l'échelle (je ne savais d'ailleurs pas si les européens étaient "net-net" bénéficiaires ou tributaires de la domination américaine par rapport au reste du monde - Devions-nous faire partie des putschistes ou des loyalistes dans le monde post-crise?*). C'est ce qui est incompréhensible dans la décision de S&P. Il est possible que son impact soit limité (à court terme tout va être fait en ce sens) mais il est également possible qu'elle marque le début de la fin de l'imperium economique US. Le risque pris est inouï. Et pour ceux qui pensent comme ce blog que la chute "URSS style" est inévitable, il est sûr désormais que ce downgrade restera dans l'histoire comme une des étapes essentielles vers celle-ci (et sûrement d'une manière exagérée d'un point de vue historique car "le ver était dans le fruit" bien avant ce downgrade).

En tout cas, si S&P accélère le phénomène de décomposition de l'Empire, jamais aussi peu d'hommes n'auront eu un tel impact au nom de l'idée d'intégrité. Ils seront pour longtemps voués aux gémonies (car ils l'ont fait dans un contexte où l'intégrité était devenue révolutionnaire). Le principe le plus foulé au pied depuis le début de la crise ferait donc un come-back tonitruant et apparemment dévastateur (apparemment seulement car comme le dit Montesquieu: «Il y a des causes générales, soit morales, soit physiques, qui agissent dans chaque Nation, l’élèvent, la maintiennent ou la précipitent; tous les accidents sont soumis à des causes; et, si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire une cause particulière, a ruiné un Etat, il y avait une cause générale qui faisait que cet Etat devait périr par une seule bataille; en un mot l’allure principale entraîne avec elle tous les accidents particuliers.»).

* les européens auraient dû être putschistes d'un point de vue moral mais il est plus ou moins admis que ce type de considération ne pèse pas lourd dans le comportement des Etats. D'un point de vue de l'intérêt européen, il est possible que nous ayons beaucoup bénéficié de l'ordre américain tel qu'il a existé lors de la guerre froide et dans les années qui ont suivi la chute du mur. Mais du moment où les élites américaines ont commencé à faire preuve d'hubris et ont mis en place la politique qui a conduit au désastre actuel (septembre 2001) l'attitude prudente était de commencer à préparer l' "après". Cela n'a pas été fait. Nous les avons suivis presque passivement dans une impasse morale et matérielle.

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