Après avoir constaté que la crise n'a pas encore eu d'impact sur les portefeuilles de tous les américains ("The crisis is still more like a dark thundercloud than a pelting hurricane"), David Ignatius du Wapo examine deux scénarios pour la crise. Le bailout plan marche, ou pas.
S'il fonctionne, par définition, l'économie ira mieux à court terme mais toutes les règles de la vie économique auront été bafouées: on peut s'endetter à l'infini, on peut faire toutes les erreurs de management possibles, on peut surtout frauder sans retenue et arnaquer sans états d'âmes: cela n'est pas grave, à la fin on est bailed out. Ce serait les structures même de l'économie qui seraient menacées à moyen terme. Les dirigeants américains sont-ils prêts à compromettre irrémédiablement le moyen terme pour faire du "window dressing" (habillage) à court terme? Ca ne fait aucun doute: c'est ce qu'ils font depuis des années. Comme Ignatius le dit, citant un investisseur étranger, "In America, loans have gone from 'something to be repaid' to 'something to be refinanced.' "* Le succès du bailout plan ne serait pas autre chose que le plus grand refinancement de tout le temps: transfert de la dette privée américaine (en défaut) en dette d'Etat (as good as gold). Il poserait donc les bases d'une nouvelle structure économique molle (visqueuse vraiment) et qui porterait probablement en germe des dérèglements encore plus importants à moyen terme (exactement comme l'avortement par Greenspan de la récession de 2001 a porté en germe le naufrage actuel).
Si le bailout plan ne fonctionne pas (l'Etat américain perd sa capacité d'endettement infini au vu des difficultés du pays), les conséquences seront tragiques à court terme mais les règles de base de la vie économique auront été respectées. La fraude aura été sanctionnée et les acteurs ne développeront pas de nouvelles habitudes et des stratégies pernicieuses tenant compte des largesses infinies du contribuable (et du pigeon étranger) dans leurs calculs. En gros, le choc serait plus violent mais la réforme plus profonde et le redémarrage plus sain.
Le dilemme aujourd'hui est le suivant: doit-on souhaiter un effondrement américain rapide et spectaculaire qui permette des remises en cause en profondeur d'un système complètement corrompu? Doit-on souhaiter que les dirigeants américains restent en place au prix d'acrobaties financières et monétaires de plus en plus inouïes en espérant que ceux qui ont supervisé cette débacle arrivent à en dompter les effets et à lui donner une seconde vie (précaire)?
Qu'est-ce qui est souhaitable pour la société américaine? Pour le monde? Une des forces des américains et de répandre l'idée que ces intérêts sont alignés. Le sont-ils vraiment? Si les Etats-Unis sont les gardiens de règles universelles dans les relations internationales et de pratiques financières exemplaires, c'est défendable. Ca n'est plus le cas depuis la présidence Bush durant laquelle le droit international est devenu un paillasson et les flux financiers mondiaux ont été orientés de manière à alimenter un Ponzi scheme destiné à épargner une récession (2001) aux américains pour rendre indolore le coût de l'inepte "war on terrorism".
De toute façon, "the train has left the station" (le train à quitter la gare). Quels que soient nos souhaits, notre conservatisme (confort psychologique de rester dans ce que nous connaissons, le leadership américain) ou notre envie de réforme (envie légitime de voir les responsables sanctionnés), il est probable que plus personne ne maîtrise les évènements à l'heure d'aujourd'hui. Dans deux ans, on pourra probablement déterminer si les intrépides qui ont baissé les taux à 1% et encouragé les américains à utiliser leurs maisons comme une tirelire après le 11 septembre ont bien calculé leur coup ou se sont complètement ratés. Le Blogo pense qu'ils se sont plantés. Stay tuned.
* C'est exactement mon expérience quand on m'a appris les rudiments du subprime business: "et là, il fait quoi l'emprunteur au bout de deux ans quand ses intérêts doublent?", Réponse: "Il
refinance". Notons qu'en "refinançant", il engraissait au passage toute une foule d'intermédiaires. C'est très culturel, j'ai lu pendant la campagne qu'en 30 ans, Biden avait refinancé 29 fois ses mortgage.
samedi 3 janvier 2009
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