vendredi 14 août 2009

Le puzzle chinois

Un des défis de la rentrée pour le Blogo est de se faire une opinion sur ce qui se passe en Chine. La plupart des sujets économiques sont traités de manière consternante par les commentateurs mais la Chine est une boîte noire sans équivalent. Elle a ceci d'intéressant qu'elle est devenue la béquille économique des Etats-Unis. Si elle casse maintenant, c'est l'économie mondiale qui devra être réorganisée. Pourtant, il est très difficile de se faire une idée sur ce qui s'y passe réellement et quand on voit ce à quoi la supposée "transparence" américaine a abouti, on se demande bien ce que nous réserve l'opacité chinoise.

Il semble que le gouvernement ait récemment lancé un stimulus dont une partie a servi à alimenter une bulle spéculative sur la bourse et l'immobilier. 15% du trillion de dollars dépensé aurait été détourné pour alimenter la bourse car le gouvernement serait incapable d'exercer le contrôle suffisant pour obliger les sociétés à respecter les directives gouvernementales (ce qui nous dévoile déjà une certaine faiblesse de l'Etat supposé être la clé de voûte de l'économie mondiale). D'où venait ce trillion? On nous dit que les chinois sont les fourmis et qu'ils ont fait des économies en période faste. Très bien mais ces économies sont pour une part importante en bon du trésor américain et ils ne peuvent donc pas les vendre sinon le Ponzi Scheme US s'effondre. Qui plus est, ils vont devoir augmenter leurs achats de dette US s'ils veulent laisser aux Etats-Unis une petite chance de s'en sortir. Alors d'où vient l'argent? On doit croire qu'il se trouvait là, prêt à être employé. Très bien. Mais il y a une moindre croissance en Chine aussi (cf électricité et importation de pétrole, les stats officielles sont moins claires). Alors d'où viendra l'argent pendant les quelques années où les Etats-Unis vont en avoir besoin? Et pour les stimulus nécessaires pour maintenir la croissance au-dessus de 8% comme on nous explique qu'il est impératif pour cette économie (encore un axiome absolument ridicule qui pollue le discours et qui fait immédiatement penser au "les prix de l'immobilier ne baissent jamais aux Etats-Unis" qui a rendu la crise possible), qui va payer?

Nous somme censés croire que la Chine va, avec ses petits bras musclés (son PIB n'a dépassé que récemment celui de l'Allemagne), sauver le monde à coup de trillions de stimulus à usage interne et de centaines de milliards d'obligations américaines. Le bullshit detector du Blogo commence à s'exciter mais je dois dire que je n'ai pas encore d'opinion définitive sur la question. Il y a une chose qui est sûre: ce n'est pas avec ses réserves en devise que la Chine finance son stimulus. Si cette politique était ne serait-ce qu'annoncée, cela ferait crasher le dollar à 0.50€ en 15 jours.

La Chine me semble jouer pour les Etats-Unis un rôle un peu similaire à celui qu'avait joué l'auditeur unipersonnel de Madoff: celui de la boîte noire qui permet de faire croire à la pérennité à long terme du Ponzi Scheme. Si, comme je l'envisage, le soutien financier de la Chine aux Etats-Unis est financé par une création monétaire aussi éhontée qu'aux Etats-Unis, alors la boucle est bouclée et le tic tac de la bombe à retardement va commencer à s'entendre de plus en plus distinctement au fur et à mesure que ces deux pays vont s'enfoncer dans la crise (les recettes fiscales doivent bien baisser en Chine également...).

C'est là que le Blogo a un petit avantage sur le reste du commentariat économique. Qui va en effet réellement prendre comme hypothèse de départ que la Chine et les Etats-Unis sont tous deux arc-boutés sur une politique monétaire intenable car ils sont pris au piège et que ni l'un ni l'autre ne peuvent se permettre d'avouer à leurs populations qu'il les a complètement planté? L'hypothèse est que ces deux pays ne sont pas dirigés par des gens compétents et soucieux du bien être de leurs concitoyens mais par des bandits en cavale qui n'ont de vrais soucis que d'effacer la trace de leurs exactions (le blogo a déjà depuis longtemps rendu ce verdict en ce qui concerne les Etats-Unis bien évidemment mais pour la Chine, il ne s'agit que de suspicions). Et si des Etats maîtrisant la création monétaire et prêts à toutes les compromissions marchent tous les deux dans la combine, comment ces problèmes peuvent-ils finir par faire surface? Comment les problèmes apparaissent-ils quand le comptable est dans la combine? Je n'ai pas la réponse mais j'imagine que c'est par la crise monétaire.

Note: un élément de la fiche wikipédia de Henry Paulson (l'homme au téléphone, ancien CEO de Goldman Sachs) m'a toujours surpris. Dans sa période où il était chez Goldman Sachs, il est rapporté qu'il s'est rendu 70 fois en Chine et qu'il est un grand ami des dignitaires chinois (on dit dans le Daily Telegraph 70 fois durant sa carrière, j'avais le souvenir que c'était 70 fois pendant qu'il était CEO ce qui serait inouï: sur 7 ans seulement - je l'avais vu parler à une conférence et c'est peut-être de là que je tiens l'info) . Si la Chine est allée à l'école Paulson, on peut s'attendre au pire. J'ai toujours été frappé par le caractère "génération spontanée" de la relation économique entre la Chine et les Etats-Unis. On nous la présente toujours comme un état de fait mais jamais comme un choix politique. On est censé l'accepter comme évidente au même titre que le soleil ou la lune. Et pourtant, les trillions n'ont pas volé au-dessus du pacifique sans que de part et d'autre il n'y ait eu une stratégie. Il y forcément eu des accords, un projet. Qui a proposé au peuple chinois de participer au Ponzi Scheme américain? Qui a proposé aux américains d'envoyer leurs capacités de production en Chine? Ou bien tout cela s'est-il réglé lors d'un ball-trap entre Paulson et un haut dignitaire chinois, "James Bond style"? Stay tuned.
(On en est pas loin: Paulson has been described as an avid nature lover. He has been a member of The Nature Conservancy for decades and was the organization's board chairman and co-chair of its Asia-Pacific Council. In that capacity, Paulson worked with former President of the People's Republic of China Jiang Zemin to preserve the Tiger Leaping Gorge in Yunnan province.)

Note 2: Etonnant comme les gouvernements américains et chinois arrivent à stimuler la bourse ou les prix de l'immobilier sans qu'il n'y ait pour autant d'inflation généralisée. La création monétaire est massive comme dans la période 2000-2007 aux Etats-Unis, l'asset bubble gigantesque, mais les prix à la consommation restent contenus. Il est clair en même temps qu'en donnant directement des milliards aux banques, ces milliards impactent directement leurs valorisations boursières (le point bas du mois de mars était surtout dû au fait que les banques commençaient à se rapprocher de plus en plus de zéro).

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